#

Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S6 Episode 2

02/12/2024 – 2e dimanche de l’avent

Lecture de l’évangile : Eloïse

Homélie : Pascale Eymery

Textes du jour

Ba 5, 1-9
Ps 24
Ph 1, 4-6.8-11
Lc 3, 1-6
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

« Tout être vivant verra le salut de Dieu » : comment cette étonnante promesse résonne-t-elle en nous ? Proclamée par Jean le Baptiste, l’ancienne espérance d’Isaïe annonce la nouveauté du Messie qui vient. C’est une promesse d’inclusion inconditionnelle de toutes et de tous, qui concerne tout être qui vit, toute créature dont le cœur bat un tant soit peu. Et cette promesse c’est que Dieu lui-même vient à notre secours existentiel, pour nous mener toutes et tous à sa vie en plénitude. Avec cette promesse au cœur, nous sentons-nous « comme en rêve » selon l’expression du psalmiste ? Nous pourrions pousser des cris de joie tout comme les captifs de retour dans leur patrie.
Mais peut-être est-ce plutôt la robe de tristesse et de misère du prophète Baruc qui habille notre cœur car nous voyons nos propres limites et le monde autour de nous si différent de nos attentes. Peut-être son appel prophétique pour Jérusalem est-il difficile à entendre pour nous : « quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours » !
Il est bien vrai que notre monde mérite en tant de lieux les noms de tristesse et misère ! Ces guerres qui ressurgissent, ces violences dans nos villes, ces violences conjugales, ces abus de pouvoir et d’emprise en tant de milieux, ces catastrophes meurtrières, ces communications mensongères, ces inégalités croissantes, ces exclusions persistantes, ces enfants harcelés… Et notre cœur aussi peut nous décevoir, la culpabilité peut nous étreindre de bien des manières, peut-être que trop souvent « ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais » (Rm 7,15).
Comment alors accueillir la joie et la gloire du Dieu qui vient ? Toute la violence et toute la tristesse du monde sont bien là et Celui qui vient ne va pas la supprimer d’un coup de baguette magique. Non Il va juste l’habiter, ce monde, se faire l’un de nous, petit parmi les petits. C’est depuis cette misère que ce Fils d’humain va nous faire voir que le Père n’est qu’amour et que son Royaume est tout proche. De manière non pas spectaculaire, mais en faisant découvrir à chacune et chacun un chemin, dans l’intimité et la proximité, dans la rencontre, dans le cœur à cœur. Le Royaume qu’il annonce n’est pas du monde : il n’est pas lié par les catégories mondaines, les préjugés, les apparences de réussite ou d’échec, les injonctions morales pour être bien vu dans telle société. Ce Royaume est au milieu de nous et en nous, il concerne notre authenticité, notre intériorité. Ce Royaume c’est Dieu avec nous, Dieu comme l’Interlocuteur aimant dans toute notre vie, présent à nos côtés pour faire naître la plus authentique et la plus vivante version de nous-même.
« Le fait est que seul le Seigneur nous offre de nous traiter comme un “tu”, toujours et à jamais. Accepter son amitié est une affaire de cœur » écrit le Pape François (Dilexit Nos, n° 25). Notre Seigneur nous aime inconditionnellement et nous pardonne même ce que nous ne nous pardonnons pas nous-mêmes. Aussi pouvons-nous puiser dans le cœur à cœur avec lui la paix et la confiance pour nous voir nous-mêmes, et voir le monde, si différents de ce que nous aimerions qu’ils soient, sans en être désespérés. Il nous ouvre dans le cœur des chemins d’espérance, il nous offre d’oser nous réjouir de son amour en le voyant, malgré tout, à l’œuvre, concrètement, en nos vies et dans le monde de ce temps.
C’est ainsi que je peux témoigner de ma propre expérience. Souffrant depuis l’enfance d’une dysphorie de genre, je m’épuisais dans le déni et dans l’effort pour être conforme aux attentes de mon milieu. Puis, j’ai peu à peu compris que le Seigneur était à mes côtés. Je l’ai prié de m’envoyer son Esprit Saint pour m’éclairer, confiante qu’un Père envoie à ces enfants ce dont ils ont besoin. Au terme d’un cheminement sur plusieurs années, j’ai alors pu accepter et accueillir ma différence en vérité, sans souci du quand dira-t-on. Et j’ai pu voir autour de moi davantage de bienveillance sincère que de persécutions des personnes bien pensantes selon leurs normes culturelles. Ceci m’a donné l’élan pour sortir des sentiers battus et pour m’engager dans l’action sociale, en travaillant pour qu’aient leur place des personnes que le handicap a longtemps exclues.
Le Seigneur nous donne de grandir dans notre propre capacité d’amour, dans notre style d’amour pour qu’il ressemble de plus en plus à celui dont lui-même nous aime et dont il a aimé le monde. Aussi l’Apôtre Paul prie-t-il pour la croissance des Philippiens : « que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. »
Alors ce discernement pourra nous orienter vers ce qui est important aujourd’hui pour préparer la venue du Prince de la Paix et le Royaume de Dieu. Dans nos cœurs d’abord bien sûr, pour y accueillir sa Vérité et sa Paix. Et aussi dans notre monde. Car c’est du « manteau de la justice de Dieu » que le prophète appelle à nous revêtir et aussi d’en revêtir notre monde, par notre prière et notre action.
Nous pouvons y contribuer à notre manière, afin que « toute montagne et toute colline [soient] abaissées ; les passages tortueux [deviennent] droits, les chemins rocailleux [soient] aplanis. » Et cela pour que « tout être vivant [voie] le salut de Dieu. »
Que voyons-nous à abaisser, à redresser, à aplanir dans notre discernement dans l’amour ?
Combler les ravins et aplanir les montagnes, cela peut être dépasser les préjugés, abattre les murs qui séparent, rapprocher ceux qui sont rejetés. Cet appel de Jean nous rappelle que le chemin vers Dieu est un chemin de justice, d’amour et de respect pour chaque être humain.
Dans ce monde où trop souvent, les femmes, les minorités, les migrants, les personnes en situation de handicaps, les personnes LGBT sont encore marginalisées ou victimes d’injustices, le message de Jean nous appelle à être artisans de paix et de réconciliation. Il nous appelle à bâtir une Église et une cité inclusives, accueillantes, où chacun a sa place et où les diversités sont accueillies comme des dons de Dieu. Jésus lui-même a montré cet amour inclusif. Dans ses rencontres, il s’est adressé à des personnes souvent rejetées par la société de son époque — les lépreux, les collecteurs d’impôts, les femmes et bien d’autres. À son exemple, nous sommes appelés à tendre la main à tous, en particulier à ceux qui se sentent exclus.
Dieu nous aime tels que nous sommes, et en chaque personne, il voit son image, une beauté unique et précieuse. L’amour de Dieu ne s’arrête pas aux apparences, aux orientations ou aux catégories. La bonne nouvelle de l’Avent est justement que Dieu vient à notre rencontre dans notre humanité, sans conditions. Il n’y a pas de catégories clivantes dans le cœur de Dieu ; il n’y a ni homme ni femme, ni juif ni païen, ni riche ni pauvre, ni handicapé ni valide, ni hétérosexuel ni homosexuel, ni transgenre ni cisgenre car en Christ, nous sommes tous et toutes des enfants bien-aimés. Préparer les chemins du Seigneur, c’est aussi bâtir des ponts, créer des espaces où chaque personne, quel que soit son parcours, est accueillie et aimée.
Chacune et chacun d’entre nous, en dialogue intérieur avec le Seigneur, peut apporter un engagement unique et précieux pour marcher ensemble vers la paix et la justice, s’en allant « jeter la semence ». C’est peut-être en pleurant, en pleurant de l’injustice du monde, en risquant des actions incomprises, en risquant l’échec. Mais c’est dans l’espérance d’une moisson rapportée bientôt dans la joie, participant de la victoire par le Christ de la vie authentique sur la mondanité.
Et notre soif ardente du Royaume du Dieu aplanira le chemin que le Seigneur trouvera vers nos cœurs.

Pascale Eymery

Pascale Eymery dirige une entreprise inclusive qui permet à des personnes marquées par différents handicaps de trouver leur place dans un emploi. Après des années comme cadre dirigeante dans des grands groupes industriels, Pascale apprécie d’être stimulée par la joie de vivre et la sincérité de beaucoup d’entre elles, très engagées dans leur vie d’équipe, malgré des parcours de vie souvent difficiles. Elle s’efforce de favoriser un lieu où on peut oser être soi-même et s’épanouir en milieu professionnel en assumant ses fragilités.