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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S6 Episode 1

01/12/2024 – 1er dimanche de l’avent

Lecture de l’évangile : Amélie

Homélie : Sonia

Textes du jour

Jr 33, 14-16
Ps 24
1 Th 3, 12 – 4, 2
Lc 21, 25-28.34-36
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

L’Avent c’est le temps même de l’attente, de l’attente d’une joie, d’une attente qui peut être impatiente. Dans ma famille, on plante des lentilles dans du coton et de l’eau pendant l’Avent. L’éclosion des graines de lentilles, qui deviennent jour après jour des tiges vertes, droites est le signe même de cette joie qui grandit et qui n’attend que d’exploser avec l’advenue, enfin, du Messie dans le monde. Pourtant, l’an passé, la nuit du 24 décembre 2023, peut-être pour la première fois de ma vie, je suis sortie triste de la messe de minuit.
Je pensais aux festivités de Noël qui avaient été annulées à Bethléem et à tout ce qui se passait là-bas, où Jésus était né, et je ressentais une profonde incapacité à me réjouir, et même au fond cette sorte d’idée que me réjouir aurait été indécent.
En découvrant les textes de ce premier dimanche de l’Avent qu’Oh my Goddess m’a demandé aujourd’hui de commenter, ce dont je leur suis très reconnaissante, je me suis dit que lire plus attentivement les textes du temps de l’Avent l’an passé, mieux comprendre la nature de l’attente de l’Avent et de la joie de la Nativité m’aurait permis, peut-être, de ne pas sombrer dans la tristesse qui avait alors été la mienne et qui m’avait fait passer à coté, je crois, de ce dont il est vraiment question.
Je vais essayer de partager avec vous ce que m’ont fait comprendre, je crois, la première lecture du jour (Jérémie 33) et de l’évangile du jour (Luc 21) : Cette compréhension tient en 3 points :
1) Ce que nous dit Jérémie, ce qu’il nous décrit, c’est qu’il y a une logique du mal, qui est une logique de l’injustice. Logique presque mécanique qui veut que le mal engendre le mal, qu’il se répète, s’étend. « Ils commettent méfait sur méfait » dit Jérémie au chapitre 9.
Jérémie ne se « lamente » pas. Il décrit précisément cette logique. C’est sa puissance de prophète, voir le monde selon la logique de Dieu, le voir avec lucidité, et donc savoir que l’injustice ne peut provoquer qu’une aggravation de l’injustice. Rien d’autre.
Il y a une façon de raconter la succession des malheurs qui est une façon étonnée, un peu abrutie, fataliste. Mais ce n’est pas la façon de Jérémie. Il décrit les causes et les conséquences de façon presque clinique. Il n’est pas étonné par ce qui se passe.
Les Rois Yoakim puis Sédécias n’ont pas respecté l’Alliance, ils ont méconnu la parole de Dieu et il ne peut en ressortir que du malheur. Un malheur terrible puisqu’on sait que Jérémie a assisté aux deux exils de 597 et de 587 ayant abouti à la destruction du Temple et à la fin de la lignée davidique. Le monde depuis lequel écrit Jérémie est un monde où semble triompher la logique de l’injustice et du malheur.
2) Mais, depuis le milieu de ce malheur, Joachim proclame une espérance et cette proclamation a un fondement ferme, aussi solide que sa description de la logique du malheur. C’est mon deuxième point, qui se déploie dans notre texte du jour que je vais vous lire :
« Voici venir des jours – oracle du Seigneur –
où j’accomplirai la parole de bonheur
que j’ai adressée à la maison d’Israël
et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là,
je ferai germer pour David un Germe de Justice,
et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé,
Jérusalem habitera en sécurité,
et voici comment on la nommera :
« Le-Seigneur-est-notre-justice. »
Il y a une seule chose qui peut interrompre la logique du mal, c’est la parole du Seigneur. Notre texte commence par la formule « Oracle du seigneur », formule qui se répète tout au long du livre de Jérémie. Or cette parole est une « Parole de bonheur » qui est parfois traduite par « Promesse », une promesse « de droit » et « de justice ». Ce que nous dit ici Jérémie c’est que la nature de Dieu s’identifie avec cette promesse de justice.
De même qu’il y a une façon un peu inconsistante de percevoir la succession des malheurs, il y a une façon un peu inconsistance de se référer à l’espoir : les malheurs se succèdent sans qu’on comprenne bien pourquoi et puis, un jour, cela changera sans qu’on comprenne bien non plus pourquoi.
Or, ce que nous dit Jérémie, c’est que la promesse de justice est intangible, Dieu ne peut revenir dessus. La promesse, comme elle est promesse de Dieu, ne peut que s’accomplir de façon certaine, absolue. C’est un roc.
Mais alors se pose, je crois, une autre question : comment va s’accomplir la promesse de justice pour le monde, autrement dit quel lien entre nous et cette justice donnée par Dieu ?
A certains égards, l’idée d’une justice absolue peut en effet avoir quelque chose d’implacable, d’inquiétant.
Pendant que je réfléchissais à ces textes, avait lieu procès dit de Mazan. Procès exceptionnel puisque la victime, Gisèle Pélicot a refusé le huit clos qui a longtemps été d’office dans les affaires de violences sexuelles. Son refus et son courage nous permettent de suivre les débats, de voir la justice se faire. Hier on pouvait ainsi lire dans le journal « Le Monde » un article titré ainsi : « Je n’accepte pas qu’on me traite de violeur, c’est un truc trop lourd à porter ». C’était un des accusés qui parlait ainsi. La logique de ce propos me semble être la suivante. Le viol est un crime si absolu, si inhumain, qu’il ne peut être mon viol car moi je ne suis pas inhumain. Le mal est absolutisé et donc extériorisé, déréalisé. C’est un peu la même logique que lorsque, pour prouver leur engagement contre les violences sexuelles, certains demandent le rétablissement de la peine de mort pour les personnes ayant commis de tels crimes. On pense qu’on va supprimer le mal par la mise à mort du criminel.
Or c’est une illusion car ce mal est bien « notre mal », notre injustice. Il ne s’agit bien sûr pas de le relativiser mais de bien voir qu’il vient de nous, qu’il est un mal humain, un mal qui nous touche dans notre humanité même – et c’est d’ailleurs pour cela qu’il se répand, se répète. C’est seulement à partir de cette reconnaissance, je crois, que l’on peut arrêter la répétition du mal.
Or dans notre texte il y a une formule qui change tout à cet égard, qui nous dit que si l’injustice est la notre, la promesse de justice de Dieu est aussi pour nous. C’est la dernière phrase de notre texte : « Et voici comment on nommera Jérusalem : ‘Le-Seigneur-est-notre-justice.’ ».
La promesse de justice de Dieu est une justice pour l’homme, une justice qui passe donc aussi par l’homme et la femme.
3/ C’est mon troisième point, qui nous mène à l’Evangile du jour, à la fin de l’Evangile de Luc. Rappelons-nous que c’est la dernière prédication de Jésus avant la Passion, prononcée au Temple, avec forts accents apocalyptiques.
Jésus annonce « des signes dans le soleil, la lune et les étoiles », le « fracas de la mer et des flots » qui vont provoquer la peur, l’affolement, l’ébranlement. Il y a là quelque chose d’un spectacle hollywoodien.
Mais, du milieu de ce spectacle grandiose, Jésus nous donne, pour qui sait se mettre à l’écoute, des indications précises pour être libérés, nous orienter vers le Royaume de justice :
i. Il nous dit, d’abord, d’être attentif aux commencements, aux frémissements par lequel commencera le règne de justice. Il faut être attentif aux frémissements. « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et levez la tête ». On ne voit pas le plus grand des bouleversements si l’on ne se redresse pas, si l’on ne lève pas la tête, si l’on ne veille pas et n’est pas attentif.
ii. Il nous transmet des gestes qui ont la capacité d’interrompre la chaîne du mal. Des gestes simples, humains. Des gens qui étaient les siens, qui ne sont pas absolus, hors du temps, de notre humanité – mais qui nous sont accessibles pour peu que nous y soyons sensibles. Notre texte se termine ainsi par un appel à « se tenir debout devant le Fils de l’homme ». Jésus nous a donné ces gestes et d’autres aussi : tendre l’autre joue, manger le pain et boire le vin, se laver mutuellement les pieds.
La promesse de justice passe par ces gestes. Au milieu du désespoir et du triomphe de l’injustice, nous n’avons que cela mais nous avons cela. C’est l’importance cruciale de ces simples gestes de justice, que nous a transmis Jésus, que je voulais aujourd’hui partager avec vous.

Sonia

Sonia a été membre de l’équipe du café Le Dorothy à Paris où elle est toujours engagée, du collectif Anastasis, et a participé au lancement de la première édition du Festival des Poussières.