#
Bonne
Nouv.elle
!
— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.
S3 Episode 24
15/04/2022 – Vendredi saint
Lecture de l’évangile : Estelle
Textes du jour
Le texte de l’homélie
Jour de vérité
Le vendredi saint est le jour de la grande épreuve. Il met à nu tout ce qui ne va pas dans le monde, car il révèle le mal. Le mal inéluctable et omniprésent. Vendredi saint, jour de combat, jour de vérité.
1/ Dans un premier temps, regardons le combat de Jésus. Lui qui a libéré les opprimés, il subit le supplice réservé aux esclaves. Lui l’innocent venu faire le bien, on lui a préféré un brigand.
Il a subi les outrages, la raillerie des geôliers.
Il a subi les deux grands abandons, celui de Judas, l’ami en qui il avait sans doute le plus confiance, et celui du plus grand des disciples, Pierre, qui l’a renié.
Il a subi un procès inique où triomphe la lâcheté des grands prêtres et de Pilate.
Il a subi l’ingratitude et la bêtise de la foule.
Il a subi la désertion des Douze, tous sauf le disciple bien-aimé.
Enfin, il a souffert dans sa chair et ressenti l’amertume de l’abandon.
La seule tendresse de ce jour noir, ce sont les femmes qui la donnent par leur présence silencieuse.
En somme, toute la méchanceté ordinaire du monde est convoquée en ce jour.
Et Jésus assume tout ce mal. Pas de révolte, pas de vindicte, pas de malédiction. Jésus se tait, « pâtit » et pardonne.
Un autre combat le mobilise ; c’est le combat intérieur qu’il mène contre lui-même. Certes, Jésus n’a pas commis le mal, mais il a bel et bien été tenté. Et la tentation la plus forte, elle est là, en ce jour, où sa vie ou sa mort sont en jeu.
Ah, si je descendais de la croix, je vivrais ! Ah, si je répondais à ce que veulent mes amis, je restaurerais Israël, et je deviendrai leur roi ! Ah, si je cédais aux grands-prêtres, je deviendrais puissant comme eux ! Mais rien dans l’action antérieure de Jésus ne le conduisait là. Céder à la tentation serait donc se renier lui-même. Jésus reste fidèle.
Devant l’abus de pouvoir, il n’offre que le paradoxe de son impuissance absolue. Il est l’homme désarmé, mais cette faiblesse absolue défie l’homme armé. Quel but poursuit-il ? Entre autres, celui de réunifier l’humanité, car il donne à tous leur place. En refusant le pouvoir, Jésus nous sauve.
Il faudrait se taire, maintenant, tant sont forts les messages contenus dans cette contemplation de la croix…
2/ Mais un autre paysage se découvre à nous : Et après ? Que dire, que faire ? Nous savons que les évangiles ne sont pas que de l’histoire ancienne. Ils s’écrivent au présent et partout dans le monde. Aujourd’hui, mille et une passions obscurcissent sa marche. Au Yémen, en Syrie, à Kiev, ou dans les foyers des familles endeuillées de Russie.
– J’ose dire qu’il y a une urgence éthique en ce jour et qu’elle envahit tout. Tous les souffrants sortent de l’ombre. Lors de l’office de la Passion, l’Eglise prie pour eux tous. Pour ceux et celles qui meurent aujourd’hui, ou qui sont malades, pour ceux et celles qui sont chassés de leur pays, ou qui le fuient, et qui risquent le servage, le racket, la mort en mer ou dans la neige ; pour ceux et celles qui vendent leur sang ou leurs yeux pour vivre, ceux et celles qui traversent l’échec, pour ceux et celles qui se vendent et se dégoutent de l’avoir fait. Ce soir, l’Église priera pour les criminels, pour ceux et celles que personne n’aime, et ceux et celles qui ne s’aiment pas.
Le sujet, ce soir, c’est de prier aux dimensions du monde, c’est-à-dire d’ouvrir nos cœurs, de compatir, de devenir poreux au malheur d’autrui. Et de faire de notre prière l‘antichambre de notre action.
– Le second sujet majeur qui nous mobilise en ce vendredi saint est notre rapport au pouvoir. Comment en usons-nous ? Acceptons-nous de nous convertir à la douceur et à la fragilité ? Oui, bien sûr, les responsabilités sont source de bienfaits, mais attention à ne pas rendre l’autre dépendant de moi. À ne pas mettre des chicanes dans sa marche. À ne pas le culpabiliser. Oui, dès aujourd’hui, nous pouvons travailler à un royaume non oppressif.
– Ce travail, cet engagement, nous renvoie à nous-mêmes. Sommes-nous indemnes du mal ? Là encore, le vendredi saint met en pleine lumière l’urgence et la nécessité de ce questionnement. Oui, nous sommes pris dans la chaîne du mal sans savoir en sortir. Oui, comment ne pas admettre que nous sommes à la fois victime et bourreau ?
Pourtant, ne craignons pas que cette reconnaissance du mal entrave en nous l’élan de la vie. Au contraire, elle le rend plus sûr ! Car l’humilité – et non l’humiliation – l’humilité rassure, alors que la démesure inquiète. Elle me rend plus vraie, plus ajustée à moi-même.
Mais attention ! Ce n’est pas un volontarisme forcé qui m’y conduira. Seul m’éclairera le constat que je suis aimé et que mon péché blesse ou détruit ceux et celles que j’aime. Car c’est bien là, en contemplant Jésus qui meurt par amour, que le mal se donne à voir, et que peut naître le regret de l’avoir commis.
En somme, ce vendredi saint, jour de dénonciation, jour de vérité, est vraiment le jour de l’engagement. La question n’est pas de pleurer avec Jésus sur le sort qui a été le sien. Cela, c’est de l’histoire ancienne. Mais de travailler à ce que demain, nulle autre Passion ne défigure notre humanité.
Le Vendredi saint appelle à un monde meilleur. C’est le jour où l’on doit se dire « au travail ». Au travail pour éviter la mort de victimes innocentes. Au travail pour faire reculer l’arbitraire du pouvoir. Au travail pour assumer notre mal. Voilà les promesses que nous pourrions oser ce soir.
Enfin, il me vient à l’esprit, par un étrange rapprochement, que ce travail pourrait bien être notre contribution à la résurrection du Christ. ↓
Le vendredi saint est le jour de la grande épreuve. Il met à nu tout ce qui ne va pas dans le monde, car il révèle le mal. Le mal inéluctable et omniprésent. Vendredi saint, jour de combat, jour de vérité.
1/ Dans un premier temps, regardons le combat de Jésus. Lui qui a libéré les opprimés, il subit le supplice réservé aux esclaves. Lui l’innocent venu faire le bien, on lui a préféré un brigand.
Il a subi les outrages, la raillerie des geôliers.
Il a subi les deux grands abandons, celui de Judas, l’ami en qui il avait sans doute le plus confiance, et celui du plus grand des disciples, Pierre, qui l’a renié.
Il a subi un procès inique où triomphe la lâcheté des grands prêtres et de Pilate.
Il a subi l’ingratitude et la bêtise de la foule.
Il a subi la désertion des Douze, tous sauf le disciple bien-aimé.
Enfin, il a souffert dans sa chair et ressenti l’amertume de l’abandon.
La seule tendresse de ce jour noir, ce sont les femmes qui la donnent par leur présence silencieuse.
En somme, toute la méchanceté ordinaire du monde est convoquée en ce jour.
Et Jésus assume tout ce mal. Pas de révolte, pas de vindicte, pas de malédiction. Jésus se tait, « pâtit » et pardonne.
Un autre combat le mobilise ; c’est le combat intérieur qu’il mène contre lui-même. Certes, Jésus n’a pas commis le mal, mais il a bel et bien été tenté. Et la tentation la plus forte, elle est là, en ce jour, où sa vie ou sa mort sont en jeu.
Ah, si je descendais de la croix, je vivrais ! Ah, si je répondais à ce que veulent mes amis, je restaurerais Israël, et je deviendrai leur roi ! Ah, si je cédais aux grands-prêtres, je deviendrais puissant comme eux ! Mais rien dans l’action antérieure de Jésus ne le conduisait là. Céder à la tentation serait donc se renier lui-même. Jésus reste fidèle.
Devant l’abus de pouvoir, il n’offre que le paradoxe de son impuissance absolue. Il est l’homme désarmé, mais cette faiblesse absolue défie l’homme armé. Quel but poursuit-il ? Entre autres, celui de réunifier l’humanité, car il donne à tous leur place. En refusant le pouvoir, Jésus nous sauve.
Il faudrait se taire, maintenant, tant sont forts les messages contenus dans cette contemplation de la croix…
2/ Mais un autre paysage se découvre à nous : Et après ? Que dire, que faire ? Nous savons que les évangiles ne sont pas que de l’histoire ancienne. Ils s’écrivent au présent et partout dans le monde. Aujourd’hui, mille et une passions obscurcissent sa marche. Au Yémen, en Syrie, à Kiev, ou dans les foyers des familles endeuillées de Russie.
– J’ose dire qu’il y a une urgence éthique en ce jour et qu’elle envahit tout. Tous les souffrants sortent de l’ombre. Lors de l’office de la Passion, l’Eglise prie pour eux tous. Pour ceux et celles qui meurent aujourd’hui, ou qui sont malades, pour ceux et celles qui sont chassés de leur pays, ou qui le fuient, et qui risquent le servage, le racket, la mort en mer ou dans la neige ; pour ceux et celles qui vendent leur sang ou leurs yeux pour vivre, ceux et celles qui traversent l’échec, pour ceux et celles qui se vendent et se dégoutent de l’avoir fait. Ce soir, l’Église priera pour les criminels, pour ceux et celles que personne n’aime, et ceux et celles qui ne s’aiment pas.
Le sujet, ce soir, c’est de prier aux dimensions du monde, c’est-à-dire d’ouvrir nos cœurs, de compatir, de devenir poreux au malheur d’autrui. Et de faire de notre prière l‘antichambre de notre action.
– Le second sujet majeur qui nous mobilise en ce vendredi saint est notre rapport au pouvoir. Comment en usons-nous ? Acceptons-nous de nous convertir à la douceur et à la fragilité ? Oui, bien sûr, les responsabilités sont source de bienfaits, mais attention à ne pas rendre l’autre dépendant de moi. À ne pas mettre des chicanes dans sa marche. À ne pas le culpabiliser. Oui, dès aujourd’hui, nous pouvons travailler à un royaume non oppressif.
– Ce travail, cet engagement, nous renvoie à nous-mêmes. Sommes-nous indemnes du mal ? Là encore, le vendredi saint met en pleine lumière l’urgence et la nécessité de ce questionnement. Oui, nous sommes pris dans la chaîne du mal sans savoir en sortir. Oui, comment ne pas admettre que nous sommes à la fois victime et bourreau ?
Pourtant, ne craignons pas que cette reconnaissance du mal entrave en nous l’élan de la vie. Au contraire, elle le rend plus sûr ! Car l’humilité – et non l’humiliation – l’humilité rassure, alors que la démesure inquiète. Elle me rend plus vraie, plus ajustée à moi-même.
Mais attention ! Ce n’est pas un volontarisme forcé qui m’y conduira. Seul m’éclairera le constat que je suis aimé et que mon péché blesse ou détruit ceux et celles que j’aime. Car c’est bien là, en contemplant Jésus qui meurt par amour, que le mal se donne à voir, et que peut naître le regret de l’avoir commis.
En somme, ce vendredi saint, jour de dénonciation, jour de vérité, est vraiment le jour de l’engagement. La question n’est pas de pleurer avec Jésus sur le sort qui a été le sien. Cela, c’est de l’histoire ancienne. Mais de travailler à ce que demain, nulle autre Passion ne défigure notre humanité.
Le Vendredi saint appelle à un monde meilleur. C’est le jour où l’on doit se dire « au travail ». Au travail pour éviter la mort de victimes innocentes. Au travail pour faire reculer l’arbitraire du pouvoir. Au travail pour assumer notre mal. Voilà les promesses que nous pourrions oser ce soir.
Enfin, il me vient à l’esprit, par un étrange rapprochement, que ce travail pourrait bien être notre contribution à la résurrection du Christ. ↓
Anne Soupa
Je suis du signe du bélier. Parfois je me cogne dans le vide, parfois je tombe juste et c’est bien utile de m’avoir en avant du peloton. Qu’est-ce que j’aime ? Les arbres en hiver, lorsque toute leur carcasse est à nu et qu’ils me font penser à des personnes. Et surtout, j’aime la voix humaine, qui me bouleverse jusqu’aux entrailles.