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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S3 Episode 20

27/03/2022 – 4e dimanche de Carême

Lecture de l’évangile : Marina

Homélie : Amélie Pauvarel-Dusollier

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Jos 5, 9a.10-12
Ps 33
2 Co 5, 17-21
Lc 15, 1-3.11-32
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Il n’y a pas quelque chose qui vous choque ? Vous n’entendez pas ce vide incompréhensible, improbable et assez sidérant ? Il n’y a que des hommes dans cette histoire. Que des hommes ! Pourtant, c’est une longue histoire, avec beaucoup de personnages. Quand j’ai réalisé ça, j’ai relu la parabole attentivement. Il y a huit personnages ou groupes de personnages : le père, « ses deux fils », l’habitant du pays qui engage le plus jeune pour garder les porcs, il y a « les ouvriers du père », « les serviteurs du père », le serviteur que le fils aîné appelle pour savoir ce qui se passe, et les amis du fils aîné. A la fin de cette relecture, alors que j’oscille entre inconfort et rire incrédule, le coup de grâce : ah ! des femmes : « les prostituées ». Sérieusement ?! Non mais c’est quoi cette parabole ? Et c’est Jésus qui raconte ça comme ça ? Même pas une servante, une sœur. Et quand bien même il n’y aurait pas de servante ou de sœur si Jésus veut l’imaginer comme ça, c’est l’histoire d’un fils qui part à l’autre bout du monde. Vous croyez vraiment possible que la mère ne fasse rien du tout à aucun moment ? Et elles n’est pas morte car alors Jésus aurait parlé d’« un veuf », pas d’« un homme ».
Le test de Bechdel-Wallace mesure la place des femmes dans les œuvres de fiction. Il consiste à se demander trois choses : Est-ce qu’il y a au moins deux femmes nommées dans l’œuvre ? Est-ce qu’elles parlent entre elles ? Et est-ce qu’elles parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme ? Une fiction passe ce test si elle répond « oui » à ces 3 questions. La parabole du fils prodigue ne répond même pas au début de la première question.
Pardon. Pardon Jésus, mais qu’est-ce que tu fais ? Comment on y croit nous au fait que Dieu nous aime quand tu nous invisibilise comme ça ? Paf rayées de l’histoire les gonzesses. Aux fourneaux les feignasses. Il ne reste que nos corps payés par l’argent du père entre les mains de son fils.
Excusez-moi de cette colère, mais en fait, ça ne passe plus. Et ça me fait peur que ça ait pu passer jusque là. Ce texte mille fois commenté, pour ma part en tout cas, je n’avais jamais entendu et surtout je n’avais jamais réalisé qu’il niait comme ça l’existence des femmes. Aujourd’hui, ça m’a pourtant sauté aux yeux. Je crois que c’est parce que j’y était en quelque sorte autorisée par le contexte de Bonne Nouv.elle. Le dimanche à l’Eglise, je ne peux pas m’autoriser à ressentir que nous pouvons être tenues pour rien.
Mais je ne suis pas rien. Mes filles ne sont pas rien. Ma mère, mes amies, et ma voisine ne sont pas rien. Dieu est amour ? Alors voilà cette parabole, selon ni Luc, ni Marc, ni Jean, ni Matthieu, ni même Jésus, selon une femme parmi d’autres.
Je reprends là : « Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. » Sa mère qui tendait l’oreille dès qu’on parlait du pays où était parti son fils, eu rapidement connaissance de cette famine. Elle se mit en route, chargée de grain et de fruits séchés. Elle parvint à retrouver son fils qui s’était engagé auprès d’un habitant de ce pays qui l’envoyait dans ses champs garder les porcs. En le voyant si maigre et affaibli, sa mère lui dit : « Mon fils, tu as voyagé et découvert le monde. Tu as vécu comme tu l’entendais. Je vois que tu as faim. Voici du grain et des fruits séchés. Mange. Et quand tu seras rassasié, rentre en toi-même : si tu souhaites retrouver ta famille, les amis de ton village, ta maison et ton pays, si tu sens que ton voyage peut prendre fin, sache que la maison de tes parents est ta maison. Le fils reprit des forces, et il sentit qu’il était bon que son voyage prit fin. « Il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père… » etc.
Dans la parabole de Jésus, Dieu est le père. Il nous faut donc faire le premier pas vers Dieu qui s’élance alors vers nous. Mais il me semble que Dieu est aussi cette mère. Elle n’attend pas assise chez elle que son fils rentre ou pas, qu’il fasse le premier pas ou meurt de faim à l’autre bout du monde. Non, elle n’attend pas. Ce n’est pas à nous de faire le premier pas, car Dieu – notre Mère – l’a déjà fait. En fait, demander pardon, c’est d’abord une sensation, une émotion presque : celle d’être aimé.e inconditionnellement, et de ressentir du coup que l’on peut donc être pardonné.e. C’est vivre ça, le premier pas.
Voilà. C’est un des scenarios possibles. Il y en a d’autres car chaque femme est différente, chaque mère est différente, qu’il y a sans doute tellement d’autres femmes dans cette histoire qu’elle pourrait peut-être même passer le test de Bechdel-Wallace . Alors si vous le voulez, je vous propose cet exercice : imaginez ce que font les femmes dans l’histoire du fils prodigue, et en voyant là où ça vous emmène, demandez-vous ce que cela dit de Dieu, des humains, et du pardon.

Amélie Pauvarel-Dusollier

Amélie Pauvarel-Dusollier a vécu quelques années à l’étranger : à Ouagadougou au Burkina Faso et à Soweto en Afrique du Sud et garde de ces expériences d’interculturalité une petite musique qui chante que la façon de faire dominante n’est jamais la seule, rarement la norme, et généralement pas la meilleure.