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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S3 Episode 10

23/01/2022 – 3e dimanche du temps ordinaire

Lecture de l’évangile : Eloïse

Homélie : Christina Moreira

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Ne 8, 2-10
Ps 18
1 Co 12, 12-30
Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

As-tu remarqué cette personne au coin de la rue, dormant recroquevillée, par terre ou dans un abribus… ou bien la main tendue. L’as-tu vraiment vue ? Regardée ? entendue ? qui est-elle ? Permets-moi d’insister parce que moi qui te parle, j’en rencontre plusieurs par jour et il ne m’en reste parfois qu’un arrière-goût amer de rendez-vous raté. En fait, à chaque fois j’ai raté Jésus, qui passe en homme banal, comme chez lui, à Nazareth. C’est en cela un vrai Fils d’homme.
Regarde-le, il se lève, il se pare de sa dignité d’homme debout. Fixe-le des yeux comme ses voisins qui ne virent que le gars du village… « un comme vous et moi, quoi » ! Pas un héros comme celui qu’ils attendaient, un être paré par leur imagination d’on ne sait quelles qualités. Écoute ce qu’il TE dit. De quelles captivités, quelles pauvretés, quelles oppressions te parle-t-il ? De quel aveuglement as-tu besoin de sortir ? Réfléchis bien, regarde bien au fond de ton cœur… prends ton temps, car c’est « aujourd’hui que cela s’accomplit ».
Viens comme tu es… laisse-toi à présent regarder par lui, à en devenir entièrement transparente comme une maison portes et fenêtres grandes ouvertes… exposée.
Nazareth, c’est chez toi, ce n’est pas à l’autre bout du monde, à l’autre bout des vingt siècles qui nous séparent de ce récit. Allez, sans doute devons-nous reconnaître que Jésus dans notre vie est un peu comme un fantôme qui nous hante juste assez pour ne pas nous déranger, un compagnon un peu trop habituel, comme ce mari qu’on ne voit plus à force de voir sa tête tous les jours pendant des années, ces parents qui nous fatiguent, ces enfants casse-pieds… ces migrants qui n’arrêtent pas de se noyer. On se protège, on pare au plus pressé, on se presse et on passe à côté. Franchement, les aimons-nous vraiment ?
Jésus « dans la puissance de l’Esprit » nous invite à venir prendre part à sa puissance, à cette puissance-là qui n’est pas le pouvoir, celui qui domine et soumet, qui abuse… celui qui passe son temps à vouloir prendre le dessus et à s’y pérenniser… à n’importe quel prix. Ses victimes sont bien placées pour le savoir.
Comme du temps de Jésus, le patriarcat règne, ce régime qui veut que tout soit bien échelonné, classé par grandeur, par formes, couleurs, sexes, genres, classes… âge et disponibilité à se faire « opprimer ».
Cette puissance – ἐν τῇ δυνάμει en grec- dont parle l’Évangile, c’est la force de vie, elle est éternelle et indestructible. Elle est en mouvement et nous rend capables de l’action et de l’autorité. Elle met l’humain aux commandes de sa vie, pas de celle des autres. À jamais en nous, beaucoup ont intérêt à ce que nous ne sachions pas qu’elle est là, on ne nous en parle pas… Nous sommes, en revanche, invitées à regarder ailleurs, vers le ciel, les églises et autres lieux de pouvoir où Dieu est censé se tenir.
Ce texte, je l’avais choisi pour mon ordination diaconale, en octobre 2013.
Ces mots : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage … » prononcés par Jésus, qui met en jeu sa survie et sa renommée ont résonné très fort au sein de la petite assemblée qui bravait ce jour-là la loi – comme lui. Les femmes qui osent se lever s’entendent dire : « pour qui se prend-elle ? ».
Jésus vient de prononcer un retentissant « je suis », ses paroles révèlent son identité messianique. L’auditoire ne s’y trompe pas. L’onction dont il se réclame n’a pas été volée mais donnée par le Seigneur. Pas pour frimer dans les chœurs et les processions solennelles mais pour servir, délivrer, libérer. Et pour parler clair…
Nous autres, apôtres d’aujourd’hui, nous parlons haut, du haut de la puissance de l’Esprit. Nous nous saurons délivrées le jour où nous aurons délivré les autres.
Dorénavant, je t’en prie, garde tes yeux dans les siens, ne le lâche pas d’une semelle, car le monde en a besoin. Il a besoin que tu saches que dire et que faire, comment secourir, et que tu tiennes bon. Tu n’es pas n’importe qui. Tu as hérité de la mission de l’Oint aussi appelé le Christ dont la voix ne s’éteint pas. Je suis sûre que les femmes qui accouchent sur des canots mal gonflés, en pleine mer, entendent sa voix, car pour le faire il faut y être cramponnée de toutes ses forces, cramponnée à l’espoir de la liberté. Si elles le peuvent, c’est que c’est possible.

Christina Moreira

Femme et féministe par la grâce de Dieu et ce, tant que le patriarcat n’aura pas disparu. Ordonnée diacre en 2013 puis prêtre en 2015 dans le rite romain catholique par des femmes évêques au sein de l’Association des femmes prêtres catholiques romaines (site : ARCWP), j’exerce mon ministère en servant une communauté à La Corogne, Comunidade cristiá do Home Novo, qui m’a appelée à son service, en Galice (Espagne) et partout où l’on me le demande. Je suis mariée, j’ai 57 ans. Ma démarche s’inscrit dans le service au peuple, parmi le peuple, dans un ministère presbytéral non hiérarchique et dans des communautés circulaires inclusives et égalitaires.