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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S3 Episode 3

12/12/2021 – 3e dimanche de l’Avent

Lecture de l’évangile : Claire

Homélie : Anne-Claire Rivollet

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

So 3, 14-18a
Is 12, 2-6
Ph 4, 4-7
Lc 3, 10-18
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Les textes bibliques de ce jour ont une unité étonnante, insistante même. Je suis plutôt quelqu’un « à la joie débordante », mais aujourd’hui, la Parole de Dieu dépasse toute espérance. En ces temps troublés par la fragilité et les limites qui nous sont imposées, les textes de ce jour interpellent notre capacité de se réjouir, notre liberté de Vivantes, de Vivants.
Une petite synthèse thématique : « Réjouis-toi car le Seigneur, ton Dieu est en toi » – « Bondis de joie – éclate en ovation – exulte de joie » – « Le Seigneur te renouvellera par son Amour » Et ces propos, dans l’épitre aux Philippiens à l’insistance étonnante : « soyez dans la joie », répétée 2 fois et suivie par d’autres impératifs : « Ne soyez inquiets de rien » – « Priez et suppliez ». Et finalement, cette conséquence promise : « La paix qui dépasse tout ce que l’on peut concevoir gardera nos cœurs ».
Une assurance, une confiance, une Paix se dégage de cette joie prônée. Il y a dans les textes de ce dimanche un acquis, quelque chose d’un effet immédiat, évident : le Salut est là, on peut s’appuyer dessus. Comme si un temps nouveau s’ouvrait déjà maintenant.
Mais pourquoi tant de joie, quelques jours avant la naissance du Sauveur ? Serait-ce l’annonce de Jean-Baptiste dans l’Evangile : « il vient ! » ? Quel est le sens de cette exhortation à la joie, alors que le temps de la conversion est encore là pour une dizaine de jours ?
Outre l’Evangile, tous les textes insistent sur cette énergie joyeuse, et pourtant…. Comment nos communautés reflètent-elles ce visage de joie ? et moi, comment est-ce que je la vis ?
Depuis très longtemps, ce dimanche de la joie m’interpelle. Quand j’étais petite, que j’entendais ces injonctions et je ne comprenais pas pourquoi on ne dansait pas, à la sortie de la messe. Avec de telles Paroles « réjouis-toi, pousse des cris de joie » la fête aurait dû déborder de la liturgie ! mais non, tout le monde gardait sa mine peu lumineuse.
Nous aurions dû avoir l’apéro à la sortie de la messe, et qu’au moins nous trinquions à la santé du Seigneur, comme le fait si joliment la tradition juive ! Cette joie requise par Dieu ne devait-elle pas être mise tout de suite en pratique ?
Plus grande, comprenant mieux la liturgie et sa tradition, j’ai même été jusqu’à penser que l’Eglise avait choisi de « caser » là, la joie, comme ça : « ça c’est fait ! » pour le reste de l’année liturgique.
Il semble que la tradition dimanche du Gaudete remonte à la période romaine, qui a puisé dans la lettre aux Thessaloniciens, chapitre 5 verset 16 « Soyez toujours dans la joie », comme le reprend l’antienne d’ouverture. C’est la raison de la dénomination « gaudete » et aussi de la bougie rose, sur la couronne de l’Avent et dans le vêtement liturgique, si le prêtre est audacieux ! (étonnant, ce rose, couleur associée à la féminité dans notre tradition occidentale… mais je laisse ce propos à votre méditation…)
Nous le savons, tant de personnes, dans notre monde, vivent dans la pauvreté. Une pauvreté de tous les jours, parfois cruelle, affligeante pour nos yeux habitués au propre et nos cœurs accoutumés au luxe. Je connais bien Madagascar, mon mari y est en ce moment pour retrouver sa famille. Quelle misère là-bas ! dans tous les coins de l’île, tant de personnes n’ont pas de quoi se vêtir, qui portent un t-shirt déchiré durant des mois, ni de quoi manger suffisamment. Combien de foyers n’ont pas du tout accès à l’électricité ou à l’eau. Combien d’injustices sont balayées, voire encouragées par des corrompus.
Et pourtant… pourtant… leurs regards sont illuminés, la joie se partage dès qu’il y a rencontre.
J’ai été très gênée, lors de ma première visite chez une de mes belle-sœurs. Nous avions mangé, je venais dans l’après-midi, prendre un thé, faire connaissance. Mais elle a fait sacrifier le seul poulet qu’ils avaient. On a attendu longtemps avant qu’il soit prêt et qu’on m’offre le plus beau morceau avec une assiette de riz. En milieu d’après-midi. Puis j’ai compris : mon mari m’a expliqué que dans la mesure du possible, chaque famille a un ou deux poulets vivants, afin d’avoir toujours de quoi accueillir l’étranger qui s’arrête chez eux. Je me souviens encore de la joie dans les yeux de Claudine, de pouvoir me recevoir ainsi. Une joie fière. Alors que moi, j’étais confuse de honte et soucieuse de savoir comment j’allais finir le plat présenté !
De même, quand j’ai pu observer les jeux et entendre les rires de ces petites filles jouant avec le bouchon d’une bouteille plastique et un bout de ficelle, pendant de longues minutes. J’y repense quand je suis envahie de lassitude ou de marasme.
Comment, dans tant de pauvreté, connaître une joie si proche, « si parfaite » dirait l’évangéliste Jean ? D’où vient-elle donc cette joie qu’aucun souci ne peut contrarier ?
Je l’ai bien vu, à Madagascar, les soucis n’empiètent pas sur l’assurance de se savoir vivant et donc riche d’une valeur inaliénable. Rien n’est plus important que de rencontrer celui – celle qui est là, près de moi. Une logique simple, implacable. Une espérance audacieuse : tout est là, l’autre est là, je suis là, c’est suffisant pour vivre de joie et rayonner…
Et j’entends en écho toutes nos obstinations à rouspéter, critiquer, douter… que devons-nous faire pour être dans la joie ?
Que devons-nous faire ? C’est la question de l’Evangile, à 3 reprises. Et les réponses de Jean-le Baptiste sont toutes les 3 du même acabit : LOGIQUE et AUDACE :
– Tu as 2 ? donne 1
– Tu as une mission ? remplis-la sans plus de prétention
– Tu es au service ? alors fais ce que tu dois comme il le faut
Logique et audacieuse, telle serait la couleur de la Joie promise par Dieu ?
A quelques jours de la naissance du Sauveur, nous sommes convoqué•es à croire en cette chance d’être vivant•e et d’être porteur•se de cette Espérance dont le Seigneur nous comble.
Alors, allez, allons dans la joie du Christ !

Anne-Claire Rivollet

Anne-Claire est théologienne, engagée en pastorale des familles et responsable de la pastorale dans une école catholique à Genève.