#

Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S3 Episode 1

28/11/2021 – 1er dimanche de l’avent

Lecture de l’évangile : Amélie

Homélie : Annie Crépin

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Jr 33, 14-16
Ps 24
1 Th 3, 12 – 4, 2
Lc 21, 25-36
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

L’Évangile d’aujourd’hui commence par un passage apocalyptique. En général ceux et celles qui évoquent l’Apocalypse ont une vue pessimiste voire catastrophiste des choses, et même punitive : un Dieu terrible et vengeur châtie les hommes et les femmes de leur(s) péché(s). C’est parfois avec une secrète jouissance qu’ils et elles évoquent la fin du monde, jouissance dirigée à l’encontre des autres – les pécheurs, les pécheresses – et contre le monde contemporain qui appellerait et mériterait la colère de Dieu. La conséquence paradoxale est que ceux et celles qui écoutent de telles paroles en sont réduits à un fatalisme paralysant.Ce n’est pourtant pas à cela que nous a habitué le Christ, bien au contraire, Lui qui ne cesse de dire : « Lève-toi et marche ». Certes le Christ, comme après lui les premiers chrétiens, croyait la fin du monde toute proche ; mais il se refuse à voir dans les catastrophes naturelles qui frappent une communauté, ou les massacres qu’elle subit, la sanction de ses fautes. Ainsi, dans un passage antérieur du même Évangile de Luc, il proclame que les Galiléens frappés par Hérode n’étaient pas de plus grands pécheurs que les autres Galiléens et que les dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé n’avaient pas une dette morale plus grande que celle des autres habitants de Jérusalem. Contrairement à ses disciples, il dit haut et fort qu’il ne faut pas voir une punition de Dieu dans de telles situations, mais il en appelle à la transformation morale et spirituelle de ces mêmes disciples.
Alors pourquoi de telles paroles dans l’Évangile d’aujourd’hui ? À l’origine, Apocalypse veut dire dévoilement, et, dans une perspective religieuse, révélation, bien avant de devenir pour nous synonyme de catastrophe irrémédiable. À l’idée d’Apocalypse, nous lions habituellement celle de crise. Là encore, à l’origine, crise signifie jugement et décision pour mettre en œuvre une solution dans une situation conflictuelle. Si je fais ce rappel, ce n’est pas par amour de la philologie, mais pour que nous n’en restions pas « au pied de de la lettre » devant les lectures d’aujourd’hui, que nous en saisissions mieux la richesse et le sens véritable. Parce qu’il me semble que dans le tableau que dresse le Christ, on pourrait voir un passage à franchir au lieu d’une situation épouvantable à subir.
Aussi bien la fin de l’Évangile que les deux textes précédents, celui de Paul comme celui de Jérémie, qui est pourtant associé au mot jérémiades, synonyme de plaintes permanentes et vaines au final, nous invitent à agir au lieu de nous enfermer dans la peur ou dans le fatalisme paralysant ou la haine de notre monde. « Quand ces événements commenceront [la fin du monde], redressez-vous et relevez la tête », dit Jésus. « Que le Seigneur vous établisse dans une sainteté sans reproche… pour le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les saints », dit l’apôtre Paul. Il ne s’agit pas d’attendre passivement, le Christ nous demande de rester éveillé.es et de prier, prier c’est-à dire de rester en lien avec Dieu – et non de se réfugier à l’écart dans une quelconque dévotion – ; Paul nous incite à progresser dans l’amour des uns et des unes envers les autres. Et, devant la promesse de bonheur et de libération qu’annonce Jérémie, associée pour lui à la Justice, il n’est pas davantage question de demeurer immobile. Le droit et la justice ne tombent pas du ciel. L’espérance est une vertu active – comme le dit un vieux proverbe français : « Aide-toi, le Ciel t’aidera ». N’oublions jamais que nous sommes hommes et femmes avec Dieu, co-créateurs, co-créatrices du monde, un monde toujours en train de se faire.
C’est vrai qu’aujourd’hui, dans notre monde, nous sommes dans une situation de crise ; mais ce n’est pas la première fois et dire « c’était mieux avant » relève de l’ignorance du passé ou de l’illusion ! C’est vrai aussi que d’un autre côté, cet appel à l’espérance peut sembler décalé dans la crise multiforme que nous vivons individuellement et collectivement et comme catholiques, ainsi qu’une actualité récente et tragique l’a dévoilé à travers le rapport Sauvé, la conclusion des travaux de la Ciase,. En fait, ne nous réfugions pas dans un futur apocalyptique, dans une fuite dans la vie éternelle. Ne séparons pas la vie éternelle de notre vie actuelle et l’avènement du Royaume de Dieu de notre monde contemporain. La vie éternelle commence maintenant. Soyons donc présent.es au Présent. Mais comment l’être ?
Je voudrais répondre par la Parabole que conte l’américain Jon Muth, c’est un auteur de littérature pour la jeunesse. A un enfant qui demande ce qui est le plus important dans la vie, un.e sage répond : « Rappelle-toi qu’il y a un seul moment important et que ce moment, c’est maintenant. La personne la plus importante est toujours celle avec laquelle tu es. Et la chose la plus importante est d’être bon avec la personne qui est à tes côtés. Voilà, mon cher enfant, les réponses à tes questions sur ce qui est le plus important dans ce monde. Et voilà pourquoi nous sommes ici. »
C’est maintenant, par nous-mêmes, en nous-mêmes et à travers ce que nous disons, ce que nous faisons, ce que nous aimons et la façon dont nous aimons, que commence le Royaume de Dieu.

Annie Crépin

Annie Crépin, historienne, a enseigné dans le secondaire puis a été maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Artois. Elle est membre de plusieurs associations dont FHEDLES (Femmes et Hommes Droits et Libertés dans les Eglises et dans la société) dont elle est actuellement la co-présidente.