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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S2 Episode 23

03/04/21
Samedi Saint

Méditation par Françoise Durand

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Le texte de la méditation

Aujourd’hui, la liturgie se fait silence. Dans les églises, c’est le seul jour de l’année où il n’y a pas d’eucharistie et pas de communion. Les tabernacles sont ouverts et vides. Jésus a été mis au tombeau, la pierre a été roulée.
Mais silence ne signifie pas absence. Car pour Marie, pour les femmes qui avec elle se tenaient au pied de la croix, pour les apôtres, pour nous aussi, c’est le temps de veiller. Dans ce temps qui est comme suspendu au cœur de la crise ouverte par l’arrestation et la mise à mort de Jésus, surgit une mystérieuse attente. Que va-t-il se passer maintenant ? Comme le veilleur, nous pouvons repérer déjà que quelque chose frémit. Ou pour le dire autrement, quelque chose germe déjà, mystérieusement, comme la graine au commencement du printemps, quelque chose qui prépare la résurrection de Pâques.
Dans le symbole des Apôtres, entre « il a été enseveli » et « le troisième jour il est ressuscité des morts », nous disons, souvent sans y penser vraiment, « il est descendu aux enfers ». C’est pourtant une affirmation bien importante puisqu’elle désigne le point ultime du mouvement de l’incarnation. Jésus est descendu dans toute la profondeur de notre condition humaine, dont la mort est l’ultime marche. En Lui, Dieu vient nous rejoindre jusque dans nos abimes. Et aujourd’hui, nous sommes invités à demeurer au seuil de ce mystère.
Quelque chose se passe donc, et c’est une descente. Non pas en Enfer mais aux enfers, dans le séjour des morts.
Dans cette descente, Jésus vient déjà éclairer notre mort à venir mais aussi toutes les morts symboliques et les maladies affectives, spirituelles qui encombrent nos vies et qui les rendent parfois bien pesantes. Le théologien Urs von Balthasar, dans un de ses écrits, fait dire à Jésus : « j’ai visité toutes tes caves ». J’ai éprouvé leur humidité et leur froideur, j’ai respiré leur odeur de renfermé. Les caves de l’angoisse, celles de la fatigue, celles du remords, celles de la déception. Des caves qui sont sans doute le dernier lieu où nous nous attendrions à le trouver. Mais Il nous invite à descendre avec Lui. En sa douce compagnie, en sa compagnie bienveillante et guérissante, il nous est possible aujourd’hui de ne pas fuir et de lui laisser le temps d’y faire pénétrer sa lumière et l’air pur de sa présence. Voici déjà un déplacement auquel nous invite ce silence et il nous incite à dire avec le psalmiste : « mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. »
Mais ce n’est pas tout. La vie ne peut rester enfermée dans les caves.
Dans une homélie assez célèbre du Vème siècle pour le samedi saint, l’auteur appelé le Pseudo Epiphane, fait dire à Jésus, qui, descendu aux enfers vient de réveiller Adam et Eve et les autres morts qui s’y trouvent : « Sortons d’ici ». Sortons, toi et moi, mais bien plus, sortons, humanité entière, tous les innombrables qui peuplent les tombeaux, venez dehors à ma suite, et « votre affliction se tournera en joie » (Jean 16,20). Aussi, dans les lieux de nos obscurités, laissons la sève de la vie commencer à se réveiller à son appel et préparons-nous à sortir à sa suite.
La première et plus fondamentale porte de sortie sera sans aucun doute celle de la gratitude pour cet appel gratuit qui nous est fait, une grande action de grâce. En venant visiter aujourd’hui tous nos lieux de souffrance et de misère, en venant partager nos morts, et en nous ouvrant les portes d’un avenir, Dieu vient nous dire et nous redire que nous sommes aimés d’un amour inconditionnel et gratuit et Il nous propose de bâtir nos vies dans cette confiance que nous avons un grand prix à ses yeux. Oui, nous sommes invités à la reconnaissance.
Nous savons déjà par expérience que ce n’est pas si facile et que nous sommes toujours tentés d’oublier ce qui nous est pourtant proposé, dans la foi, comme une raison de vivre et un bonheur durables dès maintenant. Mais c’est bien le rôle de la liturgie de nous replonger, collectivement, dans un bain de foi et d’espérance qui dépasse nos capacités personnelles de les vivre et d’y trouver de quoi croire et espérer personnellement.
Cette année, il nous est donné de l’entendre en ce temps de coronavirus où nos vies sont contraintes par toutes sortes de restrictions, dues à la crise sanitaire et son cortège économique et social. Car si la crise du vendredi saint ne concerne que les croyants, nous partageons en revanche celle de la covid avec toutes et tous. Et c’est en étant solidaires de cette humanité souffrante que nous nous tenons ainsi en silence et en attente de cette sortie.
En sortant, nous découvrirons que Jésus ouvre devant nous un chemin, non tracé d’avance, mais nous savons qu’Il est lui-même en nous et dans nos relations entre nous, nous savons aussi qu’Il est radicalement fiable. Nous pourrons puiser en Lui des forces de compassion et de courage, des forces d’intelligence et de discernement pour tracer ce chemin. Tout ceci constitue des vivres pour la route.
Ce sont sans doute les mots du poète qui peuvent le dire de la façon la plus approchée :
« La nuit commence une lente décrue
encore un peu
les arbres en larmes s’émerveillent
le soleil entre par les vitres
miraculé
revenu d’un étrange voyage
quelqu’un se met à parler
les yeux rivés sur les lointains
et ses mots ont mûri
ce sont des fruits restés en fleurs. »
Gilles Baudry

Françoise Durand

Je suis une religieuse Auxiliatrice qui habite en Seine Saint Denis, à Sevran, retraitée « active » et usagée fréquente du RER B. J’ai longtemps travaillé dans le catéchuménat et le dialogue inter-religieux.et maintenant davantage dans les accompagnements spirituels.