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Bonne
Nouv.elle
!
— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.
S2 Episode 17
07/03/21
3ème dimanche du Carême
Lecture de l’évangile : Claire
Textes du jour
Ex 20, 1-17
Ps 18b, 8-11
1 Co 1, 22-25
Jn 2, 13-25
(Lire les textes sur aelf.org)
Le texte de l’homélie
Pourquoi parler de la rencontre et de la relation aujourd’hui ? Parce qu’on peut repérer dans les lectures proposées par la liturgie pour ce dimanche une insistance sur cette dimension essentielle de la vie. On y parle de la relation entre Dieu et son peuple, entre les humains et avec Jésus. Mais il ne faut pas se tromper sur le sens de ces mots.
Dans le récit tiré de l’Exode, Dieu adresse les « Dix paroles » au peuple d’Israël peu après son entrée dans le désert du Sinaï. Le Seigneur, Celui qui a fait sortir le peuple « de la maison d’esclavage », lui a d’abord dit que, s’il choisit de garder son alliance, il le considèrera comme son « trésor » parmi tous les peuples. Israël a répondu : il s’est engagé. Peu après, Dieu énonce les termes du contrat, le Décalogue, avec ses deux tables. Elles ne parlent que de relations et des conditions qu’elles doivent remplir : la première table sur les relations verticales, qui unissent tout être humain à ses créateurs (Dieu, mais aussi ses parents) ; la seconde sur les relations horizontales, qui relient chacun.e à ses semblables.
Les Dix paroles ont été interprétées dans l’histoire comme autant de têtes de chapitre de la Loi, dont les livres de l’Ancien Testament détaillaient le contenu. Puis, Jésus a actualisé la Loi, mais en lui donnant une nouvelle perspective : celle de son accomplissement non plus dans une logique juridique, légaliste, de pureté rituelle ou morale, mais pour aider chacun.e à éclairer sa conscience afin de mieux vivre de la relation à Dieu et au prochain (ex. : Mt 5, 21 26).
Dans ces conditions, serait-il légitime de revisiter régulièrement ces paroles pour en conserver la vigueur ? N’est-ce pas plutôt une nécessité si l’on veut y intégrer les évolutions de la conscience morale sur les critères d’une rencontre authentique ? Par exemple en matière de refus des discriminations sociales et des situations d’abus de force ou de pouvoir entre hommes et femmes. Mais aussi pour ne pas se tromper de Dieu et refuser les idoles contemporaines, qui sont censées mieux répondre à nos attentes et nous apporter le salut, telles que la main invisible du marché et le « solutionnisme technologique », qui voit dans la technique tout ce qu’il faut pour résoudre les maux de notre monde.
La deuxième lecture, extraite de la première lettre aux Corinthiens, analyse justement les différences d’attente et de désir qui animent les « juifs » et les « grecs ». Les premiers recherchent la puissance (« des signes miraculeux »), les seconds, une sagesse. Paul invite les uns et les autres, non pas à abandonner leurs espoirs, mais à les relire à partir du « Christ crucifié », le Messie attendu mais anéanti. Certains n’y voient que bêtise ou piège où tomber. Pourtant, c’est en Lui, ce « Christ crucifié », que résident la vraie force et la vraie sagesse. Car Lui, le Vivant, s’adresse à tous ceux qui Lui donnent leur foi et l’écoutent dans la confiance. Bref, il nous faudrait réapprendre sans cesse à recevoir de Lui ce dont nous avons besoin pour sortir de nos « maisons d’esclavage ».
Quant au passage de l’Évangile selon Jean, il nous montre Jésus chassant les marchands du temple. Mais que propose-t-Il de mettre à leur place ? Rien d’autre que Lui. Lui, qui ne négocie pas pour rester en vie. Lui qui ne veut sacrifier aucune vie à sa place, mais qui donne la sienne pour qu’elle soit « dévorée », « détruite ». Pourquoi ? Pour que le réveil de Jésus, la destruction de la destruction, devienne pour nous une source sans cesse jaillissante de vie et de confiance. Malgré le monde et ses violences.
Ainsi, le « monde de la relation » dont parle le philosophe juif Martin Buber, s’oppose à d’autres visions de la vie – qui ne nous sont pas étrangères – qui privilégient la puissance, le pouvoir, le légalisme, la bien-pensance, la négociation, la prise de distance pour mieux analyser, expliquer, objectiver… Le « monde de la relation » est d’une autre nature. Être avec. Simplement. Cela exclut tout a priori, toute instrumentalisation ou chosification de l’Autre, que ce soit pour en tirer un gain, une satisfaction. Quelle place notre monde laisse-t-il à la relation ?
Elle suppose de se laisser conduire, d’accepter la part de mystère et de dé-maîtrise qui est associée à toute réelle rencontre, dans le seul but d’en vivre pleinement. Comme il en va de la respiration. Elle seule permet de se libérer de tout ce qui esclavagise. Ce qui vaut pour la rencontre de tout homme vaut a fortiori pour celle du Tout autre, Lui qui n’arrête pas de proposer son alliance à chaque humain, sans attendre de réciprocité. Mais, pour pouvoir en vivre, encore faut-il accepter de se mettre dans la main de Dieu, à l’écoute de Celui qui demande de tendre l’oreille, de Celui qui renouvelle la vie.
Voilà pourquoi la communauté des disciples du Christ qu’est l’Église ne peut qu’être accueillante de toute réalité humaine, bienveillante face aux fragiles, symphonique, audacieuse, confiante, participative. Pour que chacun.e ait la possibilité de découvrir à son rythme le « Christ crucifié », afin de croire en Lui au lieu de croire en n’importe quoi, d’en vivre et d’en témoigner en communauté. Il en va de la vocation de l’Eglise.
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Olivier Coutor

Olivier Coutor fait partie d’une association LGBTI+ chrétienne ouverte à tou.te.s, ainsi que de la communauté du centre pastoral de Saint-Merry, qui traverse actuellement des moments difficiles. Parmi les nombreux croyants qui l’ont marqué, il souhaite rendre hommage au père Guy Lafon, mort il y a près d’un an. Il attend une plus grande visibilité des personnes LGBT dans l’Église, elles qui ont toujours été présentes dans les communautés chrétiennes.