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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 25

12/04/20
Pâques

Lecture de l’évangile : Leonor

Homélie : Valérie

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Gn 1, 1 – 2, 2
Gn 22, 1-18
[…]
Mt 28, 1-10
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Depuis l’enfance je parle à Dieu sans mots appris, sans mots du tout, sans m’aider de la liturgie. Sans passer par les psaumes, ni le livre.
Comme sauvagement. Comme pousse une plante, silencieusement, sans raison, poussée par la recherche de l’eau, du soleil ou de la beauté. Par la grâce d’une proximité secrète. Une intimité naturelle. Ce n’est pas une revendication, c’est un état de fait, un penchant intérieur qui, je crois, est celui de nombre de gens.
Depuis l’enfance, je crois que l’Eglise est un espace sans frontières et sans portes.
C’est là ou l’on dit « frère et soeur ». Là ou l’on s’écoute, où l’on vient écouter, où l’on est écouté. Qui parle et qui écoute ? Car dans le silence des prières Dieu converse avec les coeurs des gens. Et le cœur des gens essaye de dire ce qu’il ne sait pas dire. De voir ce qu’il ne sait pas voir, et de ne plus comprendre pour entendre et ressentir. On vient écouter des paroles ensemble. Ce qui importe c’est l’écho, la résonance en nous tous qui construit une église fugitive. Quelqu’un, là, partage la parole comme du pain avec une petite population. Cette parole est si petite, si humble et si vraie quelle fait silence en nous, et fait entendre, en creux, tout le bruit que fait le monde. Ecouter une parole constitue un espace pour Dieu, une espèce d’espace, une espèce d’Eglise. La parole est redite par ceux et celles qui l’ont entendue un jour, transmise par un ancêtre, un ange, un prêtre, une amie, un souffle, ou parce que leur cœur le leur a dite. Cette parole c’est une nouvelle, une bonne nouvelle qu’on se répète au cours des siècles. Il y a cet espace appelé le choeur, et celui appelé l’autel. Et cette petite population qui croit et espère.
Que croit-elle ? Que croyons nous ?
Que le tombeau était vide quand Marie Madeleine et son amie sont arrivées. Il y a plusieurs versions du récit. Dans l’un des récit, il y a une autre femme dont j’ignore le nom, une femme, juste une femme inconnue. Et Marie Madeleine, dont je connais le nom car elle était l’amie du Christ. Celle qui lui lavait les pieds avec ses larmes. Celle qui mourut dit-on pauvre, nue, et sauvée. Celle qui pleure avec Marie et toutes les autres femmes au pied de la croix lorsque les apôtres sont déjà repartis. Marie Madeleine était le prénom de ma mère, son surnom était Marie Mad. Mad, qui en anglais veut dire mauvais, folle, furieuse.
La mauvaise, la folle la furieuse Marie. Une prostituée, une pécheresse, racontent certains, de celles qui se donnent à tous et n’appartiennent à personne (comme fait l’amour divin en somme). Ou Marie de Béthanie sœur de Marthe, contemplative et tranquille qui choisit d’écouter le Christ au lieu de débarrasser la table, ou celle que les apôtres jugent pour avoir gâché un parfum cher pour laver les pieds de Jésus. Marie Mad, celle qui ferait mieux de rester à sa place.
Mais quand cette folle, cette furieuse, cette mauvaise Marie pleure en silence, le Christ frissonne avec elle. Parce qu’elle n’a pas choisi la morale, mais l’amour.
”Aime, aime” chantent en sourdine les initiales de son prénom.
”Aime, aime”. Mes grand parents, très croyants, ont nommé ma mère ainsi parce qu’ils savaient que cette Marie Mad, le Christ l’aime. Dieu l’aime au point que c’est à elle qu’il remet le soin de dire à tous la fin de l’histoire : Le tombeau est vide, il est ressuscité !
Dans cette version, c’est à elle et une femme inconnue qu’un ange confie le secret. Le sens et la raison de la joie face à la mort, ce sont deux femmes qui l’ont su et annoncé. A Marie Madeleine, l’apôtre des apôtre, et à une autre, juste une femme, l’ange dans le tombeau vide annonce la résurrection du Christ : Et elles ont couru dehors pour le dire. Elles courent pour partager la nouvelle incroyable de la vie éternelle!
Dans une autre version, Marie Madeleine est seule, elle trouve le tombeau vide et pleure. Deux anges dans le tombeau vide sont là qui lui demandent pourquoi elle pleure. Désemparée elle dit que c’est parce qu’on a enlevé son seigneur, elle ne sait pas ou on l’a mis…. Elle voit, un homme qu’elle croit être le jardinier, il lui demande – « Qui cherches tu ? »
– « Si c’est toi qui l’a emporté, dis moi ou tu l’as mis, et je l’enlèverais ». dit elle. Mais il l’appelle doucement : « Marie » et elle le reconnait.
Elle dit « Rabbouni ! », (qui est je crois un petit nom doux pour dire « Maitre » en hébreu), elle veut le toucher pour le retrouver, pour retrouver ses mains, sa peau, sa chaleur, pour vérifier que son ami est LA.
Alors il lui dit ceci : NOLI ME TANGERE
Noli Me Tangere, qui veut dire :« Ne me touche pas »
ou « Ne me retiens pas »
Il dit qu’il est en chemin vers son père.
il dit qu’il n’est pas LA.
Il est loin, ailleurs, là où l’on ne peut plus « l’attraper » par la main.
Et aujourd’hui, confinée que je suis, moi qui ne peux toucher le corps des autres, nous qui n’embrassons plus que nos familles et nos colocataires, dans l’incapacité de tendre ou de donner nos mains.
Dans l’interdiction de serrer l’inconnu dans nos bras, de partager un espace autre que notre appartement. Sommes-nous aussi dans un tombeau vide ?
Peu être pas, si dans ces petits espace où nous sommes, l’écho du récit de Marie Madeleine se dépose encore.
Et lorsque j’arrive à faire silence, je peux entendre NOLI ME TANGERE : passe par l’impalpable, par l’incroyable, passe par l’immatériel, au delà des réseaux sociaux. Faisle tour et retrouve-moi la où l’on ne se touche pas, où l’on ne quantifie pas, où il n’y a ni frontière ni porte, où se calme la peur, où tous circulent sans barrières. Dans l’amour de Marie Madeleine. Dans l’amour humain.
Ce moment que nous traversons est celui du NOLI ME TANGERE
Nous sommes aujourd’hui tous, comme Marie Madeleine, à ne pas pouvoir toucher notre aimé, notre désir, atteindre les objets de nos passions et de nos habitudes.
Nous sommes dans ce temps « dématérialiste », ce nouveau temps qui fait comprendre avec une grande clarté ce que dit le Christ.
Marie Madeleine en annonçant la nouvelle dit « Christ, mon espérance, est ressuscité. »
Ce qui est ressuscité c’est l’espérance, l’espérance, on ne peut pas la toucher.
Nous ne pouvons toucher l’espoir, ni l’amour, ni Dieu, mais nous pouvons y atteindre autrement. Et quand nous y parvenons, nous nous retrouvons, ensemble.
La prière est le petit instrument par quoi les hommes atteignent où la présence leur est interdite. (Emily Dickinson)

Valérie
Valérie est comédienne et enseigne le théâtre dans des écoles professionnelles. Elle est curieuse, et sa maman s’appelle Marie-Madeleine.