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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 18

15/03/20
3e dimanche de Carême
Philippine Brenac

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Ex 17, 3-7
Psaume 94
Rm 5, 1-2.5-8
Jn 4, 5-42
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Pour ce troisième dimanche de Carême nous avons deux récits dans lesquelles Dieu donne mais de manières très différentes.
Dans la première lecture, le peuple est dans le désert, il a quitté une zone de confort et maintenant un danger vital le guette : le manque d’eau. Moïse se tourne vers Dieu, et Dieu fait jaillir de l’eau pour étancher la soif. Cette eau c’est un signe pour répondre au peuple qui doute de Dieu.
L’évangile du jour se trouve chez Jean. Après avoir discuté avec Nicodème, un notable juif plutôt bon élève dans sa foi, Jésus quitte Jérusalem avec ses disciples pour rejoindre la Galilée. Au cours de leur voyage, ils font étape dans la ville de Sykar, c’est Naplouse aujourd’hui.
Jésus, fatigué, va se reposer contre la margelle du puits de la ville. Pendant ce temps-là, les disciples vont faire des courses pour le repas. Une femme vient chercher de l’eau au puits. On sait juste qu’elle fait partie du groupe des Samaritains, et que les Juifs les méprisent car ils ne prient pas de la même manière.
Il y a des éléments étranges dans ce récit. D’abord il est midi, l’heure où il n’y a pas d’ombre, l’heure du cagnard. Ce n’est pas une heure habituelle pour aller puiser de l’eau. La Samaritaine se rend-t-elle au puits à cette heure-là pour éviter la compagnie des autres femmes ? Ou est-ce qu’elle vient parce qu’elle a vu un homme au bord du puits et qu’elle est curieuse ? Peut-être un peu des deux. Toujours est-il que lorsqu’elle arrive au niveau de Jésus, celui-ci lui adresse directement la parole, enfreignant deux règles de bienséance de l’époque :
1/ parler à une personne venant d’un groupe mal considéré par les Juifs
2/parler à une femme seule.
Jésus lui demande de l’eau pour boire. Mais il lui dit ensuite assez rapidement que lui, Jésus, possède de l’eau qui étanche toute soif. Que lui-même est cette eau. Ça aussi c’est surprenant. La femme ne comprend pas. Moi non plus d’ailleurs, je ne saisi pas très bien. Le dialogue continu : Jésus parle de cette eau vive et jaillissante, sa parole est d’ordre spirituel. La Samaritaine, elle, reste terre-à-terre : ne plus avoir soif ! Quelle aubaine ! Plus besoin de venir au puits tous les jours !
Elle se met à croire en Jésus, non pas grâce à ce discours symbolique et théologique sur l’eau, mais quand Jésus lui dit une vérité intime : elle n’a pas de mari. Elle en a eu plusieurs, cinq, dit l’évangile, et elle vit en concubinage avec le sixième. Ça fait beaucoup de mariages pour une seule personne. Peut-être que les 5-6 hommes de la Samaritaine sont le signe d’un très grand désir d’aimer et d’être aimée. Cette explication me paraît plausible d’autant plus que la rencontre entre Jésus et la Samaritaine se fait autour du puits de Jacob. Dans l’Ancien Testament, le puits c’est le lieu des rencontres amoureuses. Jacob et sa femme Rachel sont tombés amoureux sur les margelles d’un puits.
Quand Jésus parle des maris, la Samaritaine comprend qui est Jésus et le reconnaît d’abord comme prophète puis comme le Messie, c’est à dire comme le Sauveur attendu. Sa foi devient sensible, personnelle et vraie. Il n’y a plus de différences entre Juifs et Samaritains. Ce qui compte c’est de croire avec le cœur et non uniquement par des rites.
A ce moment-là, les disciples reviennent des courses. Ils sont surpris mais gardent leurs remarques pour eux. Ils restent silencieux comme lorsque l’on se retrouve devant quelque chose de vrai et d’essentiel. Les conventions ne tiennent plus. Seule compte la relation qui est en train de s’établir.
Convertie, la Samaritaine, laisse les convenances de côté et elle court jusqu’à la ville pour prévenir les autres qu’elle vient faire une rencontre extraordinaire. Les Samaritains la croient sur parole, et il est même dit dans l’évangile que Jésus et ses disciples restent deux jours chez eux avant de reprendre la route.
La première lecture et l’Évangile rentrent en résonance. D’un côté, le peuple de « bons croyants», est exaucé parce qu’il a réclamé. Dieu donne de l’eau pour combler la soif et pour signifier au peuple qu’il pourvoit aux besoins de celui-ci. Le don n’est pas gratuit. De l’autre côté, la Samaritaine, celle qui est rejetée par une société bien-pensante, n’a rien demandé mais reçoit de l’eau gratuitement. Elle reçoit bien plus puisqu’elle rencontre le Christ.
En préparant cette homélie, j’appréhendais de parler d’un texte aussi connu que celui de la Samaritaine parce que j’avais trop d’images lisses et génériques en tête. Petit à petit, je me suis mise à l’aimer car c’est un récit d’habitudes dans lequel le Christ surgit. J’aime cette imbrication du spirituel dans un récit du quotidien, presque anodin.
Ce troisième dimanche de Carême nous rappelle que croire c’est d’abord rencontrer Jésus, accepter que cela arrive dans notre quotidien, au moment où on s’y attend le moins. Comme Jésus le disait un peu plus tôt à Nicodème : « l’Esprit souffle où il veut.Mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. »
L’Esprit a soufflé à Sykar. C’est un appel à se laisser surprendre et guider par l’Esprit-Saint.
Que ce Carême soit un Carême de surprise et de lâcher-prise… pas besoin de faire des efforts, des restrictions… laissons-nous aller à la Rencontre.
Philippine Brenac
Philippine a 26 ans, elle est dessinatrice et conteuse. Que le récit soit fictif ou réel, elle aime recueillir des histoires pour se les approprier, créer des liens et trouver le meilleur médium pour l’exprimer. Grâce à une éducation catholique et protestante, elle a pris goût à la lecture de la Bible. Elle essaie de vivre sa foi en se laissant bousculer avec comme maxime “L’Esprit souffle où il veut, tu entends sa voix mais tu ne sais n’y d’où il vient ni où il va”.