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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 15

26/02/20
Mercredi des Cendres
Valérie Le Chevalier

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Jl 2, 12-18
Psaume 50
2 Co 5, 20 – 6, 2
Mt 6,1-6.16-18
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Nous voici devant un texte que nous connaissons très bien…Or, contre toute attente, il me semble arriver à point nommé dans une période où l’Église nous désoriente tellement et où nous sommes appelés à prendre position sur les questions d’autorité et de pouvoir, car c’est bien de cela qu’il est question dans cet évangile.
Tout d’abord, revenons un instant à 2nde lecture tirée de la 2e épître aux Corinthiens. Paul dit que nous sommes les « ambassadeurs du Christ » et que pour cela, nous devons nous réconcilier avec lui et être « justes de la justice de Dieu ». Quel rapport y a-t-il entre cette interpellation de Paul et l’enseignement de Jésus qui semble ne concerner que la vertu d’humilité dans le cadre de la vie chrétienne ? En quoi la gloire qui vient des hommes est-elle une question de justice ? Et où se situe l’injuste et donc la violence dans ce contexte spirituel ? Qui est la victime et contre quoi devra porter le combat spirituel ?
Rappelons tout d’abord qu’ici, Jésus considère que la vie spirituelle est un lieu qui engage la justice. Il s’adresse à un public religieux, pratiquant, comme l’étaient la plupart des juifs d’alors. Jésus les interpelle sur le sens profond de cette religiosité et des oppositions qu’elle abrite, et il décline ensuite 3 exemples de pratique où l’injustice peut naître.
Jésus constate que Dieu est confronté à l’opposition d’un groupe humain qui prend la forme de magistère à qui l’on confère le pouvoir de juger notre vie spirituelle et à laquelle on cherchera à se conformer, à plaire. C’est ce magistère qui détermine les critères de la réussite spirituelle et qui décerne les titres de gloire et les récompenses. Ceci se passe dans un contexte religieux, au nom de Dieu. On peut parler d’une discipline religieuse qui répond à des lois propres. Dans ce cas, l’on n’est plus ambassadeurs du Christ mais de ce magistère à qui l’on doit chercher à plaire. La gloire reçue correspond à l’éclat de ce groupe.
L’opposition se situe au niveau du regard : celui de ces hommes et celui de Dieu. Lui aussi voit. Mais que voit-il ? Nul ne le sait. La seule chose qui soit certaine, c’est que, dans le secret, il n’offre pas de la gloire, mais cela même qui a été donné dans l’aumône, la prière ou le jeûne. Dieu instaure un processus relationnel entre celui qui donne et celui qui reçoit : il y a enrichissement et fructification réciproque : c’est gagnant-gagnant.
L’injustice du premier système porte, en fait, sur l’expulsion de Dieu qui n’est jamais qu’un moyen ou un destinataire parmi d’autres, un client. Tout est décidé en amont, en fonction de ce qui satisfera le regard de ces hommes qui ont le pouvoir. Dieu n’a rien à dire et quoiqu’il puisse voir, il n’a rien à rendre non plus puisque l’on n’attend rien de lui.
Que dire de ce carême qui commence aujourd’hui ? Comment l’avertissement de Jésus peut-il nous rejoindre dans notre actualité ecclésiale si dramatique ? Peut-être en nous invitant à entrer dans un combat spirituel contre ces puissances humaines qui fixent des règles au nom de Dieu. Le premier pas serait peut-être de ne pas prendre de résolutions de Carême, comme on nous a habitué à le faire, afin de laisser une page blanche sur laquelle l’Esprit pourra écrire quelque chose d’imprévu.
C’est osé me direz-vous ! Ne pas se fixer de programme de carême, d’objectifs spirituels précis ? Quel scandale ! Sans doute, mais scandaleux aux yeux de qui ? si nous croyons l’invitation de Paul à être vraiment ambassadeurs du Christ et à nous laisser réconcilier par lui, alors rendons lui justice et laissons le Christ guider nos pas sur ce chemin pascal. Et nous verrons bien de quelle aumône, prière ou jeûne il sera question, mais n’en fixons pas le cadre par avance.
Oser un carême gratuit, avec pour seule feuille de route ce temps donné au Père, à l’écoute de la Parole de Dieu. Oserons-nous prendre ce chemin sans résolutions pieuses avec pour seule boussole l’Esprit, comme Jésus le fit lorsqu’il fut poussé par ce même Esprit au désert ?

Valérie Le Chevalier

Valérie Le Chevalier est responsable de formation au Centre Sèvres à Paris. Valérie est également mère de famille et autrice du livre « Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez… Quelle place dans l’Eglise ?»