#

Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 12

09/02/20
5e dimanche du temps ordinaire
Alessandra Maigre

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 58, 7-10
Psaume 111
1 Co 2, 1-5
Mt 5, 13-16
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Lorsque j’entends cet appel de Jésus aux disciples, je me trouve tout à la fois enthousiasmée et découragée. Suivant l’élan de l’enthousiasme, je me dis : « dès aujourd’hui, je vais mener une vie exemplaire et ainsi montrer une voie aux personnes qui m’entourent ». Mais presque instantanément, je suis prise de doutes : « mince ! mais comment « être » la lumière du monde ? Comment « être » le sel de la terre ? Que dois-je faire pour cela ? »
Le découragement qui suit l’enthousiasme premier menace de faire échouer toute tentative. Je me dis que je n’arriverai jamais à « être » assez bien pour « être » sel, pour « être » lumière. Et qui suis-je pour prétendre à cela ? La contrariété du découragement cependant n’offre-t-elle pas justement la possibilité de rebondir et d’imaginer les moyens de remplir cet appel ?
Être le sel de la terre. Le sel représente à l’époque un bien aussi rare que précieux. Le sel sert à conserver les aliments. Il sert à assaisonner les aliments. Il sert à leur donner de la saveur. Une chose pourtant m’a frappée en réfléchissant à la nature du sel. Le sel n’est sel que lorsqu’il est associé à quelque chose d’autre. Il est bien sûr sel en lui-même, mais pris isolément, le sel ne présente pas de saveur particulièrement agréable. C’est en l’associant à autre chose que le sel devient révélateur de goût ! Il sublime l’aliment auquel il est associé en en faisant ressortir le caractère spécifique et singulier. Saler un aliment pour qu’il ne soit pas « fade », c’est faire ressortir les caractéristiques propres à cet aliment.
Afin d’être pleinement sel, le sel doit être en association.
Désirant répondre à l’appel de Jésus, comment puis-je « être » le sel de la terre, comment pouvons-nous « être » le sel de la terre ? Je répondrais : en association. Avec les personnes qui nous entourent. En association avec les personnes qui sont plus éloignées.
Se mettre en association avec les autres signifie oser la rencontre avec l’autre ; oser laisser émerger un lien – si infime soit-il – entre lui/entre elle et moi. Si je suis appelé à être le sel de la terre dans mes rencontres avec les autres, comment faire ressortir chez cet autre ses caractéristiques propres, son identité singulière ? De même que le sel n’exprime sa véritable nature que dans l’association avec un aliment, chacun et chacune de nous est invité.e à exprimer son identité authentique à travers l’interaction mutuelle avec l’autre. Le lien qui unit les personnes dans une relation permet à chacune des personnes de devenir le sel de l’autre. L’association avec l’autre, la rencontre et l’interaction seules sont en mesure de révéler le caractère « épicé » d’une personne.
J’aimerais insister particulièrement sur les rencontres avec les personnes vers lesquelles nous n’irions pas d’emblée, les personnes que l’on considère comme trop différentes de nous à cause de leur origine culturelle, de leur origine sociale ou encore à cause de leur mode de vie. Le texte d’Isaïe dit « ne te dérobe pas à ton semblable » : littéralement, en hébreu, à celui ou à celle qui est « de ta chair ».
Alors, je me pose la question et je vous pose la question : n’y a-t-il pas toujours au moins un grain de sel, un rayon de lumière commun à faire émerger lorsqu’on entre en relation – quelle que soit la personne qui se trouve face à nous ?
Bien sûr, cela effraie car nous ne savons jamais à l’avance ce que la rencontre de l’autre va engendrer. C’est dans cet instant d’inconnu, de vide, ou de plein où tout est possible que se révèle toute la force de la liberté et de la surprise de la rencontre. L’ouverture de cet instant partagé où deux êtres entrent en relation crée une lumière commune qui peut se répandre sur les personnes alentour.
Alors malgré mon découragement et poussée par mon enthousiasme, j’aimerais nous inviter à laisser s’exprimer ce qu’il y a de commun à nous-mêmes dans l’autre en vertu au moins de notre humanité commune. L’appel de Jésus à être le sel de la terre et la lumière du monde est un encouragement à l’action mais il est aussi et surtout une affirmation ! Nous ne sommes ici pas appelés à changer radicalement mais plutôt à « être » ce que nous sommes déjà.
Afin d’être pleinement humain, l’être humain doit être en association.
Autorisons la lumière que chacun et chacune de nous est déjà à briller en direction de celui et de celle qui est de notre chair pour des rencontres savoureuses.

Alessandra Maigre

Alessandra Maigre est doctorante en théologie pastorale à la faculté de théologie catholique de l’Université de Fribourg (Suisse). Ses recherches portent sur l’aumônerie en milieu sportif et approfondissent la réflexion sur les relations entre sport et religion. Lorsqu’elle n’est pas sur la patinoire à pratiquer le hockey sur glace, elle exerce son souffle dans son saxophone.
Elle accorde une grande importance à l’œcuménisme et à la création de synergies entre les personnes d’horizons pluriels.