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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 8

12/01/20
Le Baptême de Jésus
Jean Anot

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 42, 1-4.6-7
Psaume 28
Ac 10, 34-38
Mt 3, 13-17
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Il y a un an ou deux, autour de mes 30 ans, je suis tombé par hasard sur la feuille de messe de mon baptême, qui patientait tranquillement dans une boîte à souvenirs. Cela me replongea dans l’événement. A quatorze mois, j’avais donc reçu l’Esprit Saint, et depuis il n’avait cessé de m’accompagner. Quelles traces avait-il laissé dans ma vie ? Comment le reconnaître et le remercier  ? Est-ce lui qui me poussa à confirmer mes vœux de baptisé 16 ans plus tard, à enregistrer cette homélie aujourd’hui, peut-être  ?
Le texte du jour, qui célèbre le baptême de Jésus par Jean le Baptiste, nous donne quelques pistes.
Avant la scène du baptême, l’évangile prend le temps de nous présenter la figure de Jean. Dans le désert de l’attente, alors que s’égrènent les dernières heures de la première Alliance, Jean pressent l’imminence de l’arrivée de Jésus, celui-là dont il n’est pas digne d’ôter les sandales. Il prévient les hommes et les femmes qui s’amassent sur les rives du Jourdain : si lui, Jean-Baptiste, ne baptise que dans l’eau, Jésus baptise dans l’Esprit Saint et le feu.
Or voici que Jésus paraît, le texte nous dit «  venu de Galilée jusqu’au Jourdain  ». Jésus semble être venu en ligne droite depuis la région de sa jeunesse, traversant les kilomètres et les années puisqu’il n’était encore qu’un enfant quelques lignes auparavant. Pour l’évangéliste, rien ne semble exister en dehors du baptême  ; naître, c’est naître à Dieu.
L’évangile poursuit  : Jésus est venu «  auprès de Jean, pour se faire baptiser  par lui ». Jean et Jésus sont deux amis intimes qui se retrouvent après de longues années. Indélébile en eux, sans doute, survit le souvenir de leur première rencontre dans le ventre de Marie et d’Elisabeth. Depuis lors, Jean n’a eu de cesse de tressaillir pour son sauveur. Alors lorsqu’il l’aperçoit, il ne peut que s’exclamer  : «  c’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi  !  »
On imagine sans peine son dilemme : «  Toi, Jésus, qui est source d’eau jaillissante, de cette eau qui ne donne plus jamais soif, qui suis-je moi, Jean, pour te recouvrir de l’eau poissonneuse de mon fleuve, qui suis-je pour te faire passer d’un royaume à un autre ?  Tu es celui qui œuvre auprès du Père, et je ne suis qu’un homme égaré.»
Jean, peut-être, prend peur aussi face à la nouveauté, celle qu’il a pourtant tant attendue. Jésus qui paraît, c’est son monde à lui qui disparaît, c’est sa mission qui touche à sa fin.
« Viendrais-tu me mettre à la retraite  Jésus  ?  »
Cette peur de Jean nous parle de nous, de nos souffrances, nos limites, nos préférences pour le connu alors que l’eau vive de baptême tourbillonne, et nous emporte, inlassablement, au-delà des parvis.
Mais pour apaiser l’ardeur inquiète de Jean, Jésus a ces paroles : «  Laisse faire maintenant  ».
Il semble lui dire  : «  après avoir tant fait, voilà venu le temps de laisser faire. Je ne viens pas te remplacer non, mais te faire une place sur le banc des aimés du Père. Viens, goûte la saveur du Dieu que je connais, et entrons ensemble dans notre vérité d’enfants de Dieu.  »
En une seconde, le dialogue passe du «  je –  tu  » au «  nous  ». «  Nous  » sommes ensembles dans le Seigneur, semble dire Jésus, fie-toi à lui, fie-toi à moi, c’est par notre action commune que nous accomplirons sa «  justice  ».
Comment ne pas être soufflé par la rencontre ardente, charnelle, entre ces deux intimes de Dieu, croyants avant les croyants, qui s’abandonnent à la volonté de celui qu’ils annoncent  ?
Alors Jean ne cherche plus à faire, mais laisse Dieu faire à travers lui, et Jésus reçoit l’eau et l’Esprit. Deux choses liées pour n’en signifier qu’une, puisque l’évangile de Jean nous explique que l’eau vive, c’est aussi l’Esprit. Le baptême, c’est donc doublement vital  : à la fois vivant, et vivifiant.
C’est Dieu qui nous baptise, qui nous environne du Souffle, et qui, bouleversé de joie, au moment où son fils sort de l’eau, s’écrit  : «  Celui-ci est mon fils bien aimé  !  » Quel père résisterait à la joie de crier son amour pour son enfant  ? Comme son fils, Dieu se mouille  !
Seigneur, toi qui chaque jour nous invite à entrer dans notre mission de baptisé, donne-nous d’entendre ton appel, de discerner les contours de notre chemin. A l’heure où nous fêtons le jour où Jésus est entré dans sa vocation, entraîne-nous à sa suite, entourés de ton amour et de la tendresse de l’Esprit.

Jean Anot

Jean Anot a 31 ans, il enseigne l’anglais au lycée. Inlassable arpenteur d’univers littéraires et culturels, il aime donner la parole en classe aux invisibles de l’histoire de l’immigration et du colonialisme. Passionné de lutte contre les hiérarchies de tout ordre, il remet sur la table les manières de parler, de créer, en interrogeant ses privilèges. Avec l’équipe pastorale de son école, il cherche la parole juste pour témoigner, éveiller, interpeller.
Ce cadeau d’une homélie à son image, il en savoure pour longtemps le souffle vivifiant.