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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 5

25/12/19
Noël
Estelle Meyer

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 62, 1-5
Psaume 88
Ac 13, 16-17.22-25
Mt 1, 1-25

Le texte de l’homélie

Noël. Noël, c’est la naissance du soleil, la renaissance du soleil invaincu. Ça vient pendant la nuit quand les jours sont les plus courts et les nuits les plus longues. C’est la grande bascule de l’univers. Du grand noir, des nuits rêveuses profondes à la clarté d’un jour nouveau. Noël ça vient de natalis, ça veut dire naître. « En ce temps là, César Auguste, demande à chacun.e de recenser la terre. » La comptabilité triomphante veut savoir d’où chacun vient. Une origine exigée par les autorités. Chacun est amené à retourner comme une carpe, un saumon, au début de son cycle. A sa racine profonde, au grand utérus qui l’a engendré.
Et Joseph est accompagné de Marie, sa jeune épouse qui est enceinte, enceinte d’un secret, remonte lui aussi à sa terre du tout début, à son natalis. il y a un souffle qui pousse chacun à sa source. A l’endroit où ils arrivent, il n’y a pas de places, tout est blindé, y’a pas d’espaces. On accueille pas l’autre, l’étranger, le nomade, le migrant. On accueille pas le renouveau, ce qui est différent.
– Non monsieur merci beaucoup, notre hôtel ne vous accueillera malheureusement, non.
Marie enceinte frigorifié attend sur le pas de la Porte. Les contractions commencent à monter. Ça tourne la tête, les jambes en tremblent. Ça fait mal, mais quelque chose ne faiblit pas. Quelque chose commence et continue à s’ouvrir. Le col, le coeur s’ouvre continue à laisser la place. Toujours Plus. Toujours Plus. C’est sans fin l’ouverture, le Plus Grand don.
Je voudrais saluer, maintenant, aujourd’hui, la virilité, le courage de Marie, son immense féminin, avoir accepté le fruit de Dieu, d’avoir fait toute Place en elle. De marcher vers son destin sans faillir. Face à Joseph Qui doute, face au monde Qui doute. Qui veut la renvoyer sans faire d’esclandre. Elle sait, elle tient. Et le Monde l’entoure, prend ses courbes, l’accompagne, l’accepte. Son ventre tranquille, elle fend son Chemin. Quelle foi hallucinante.
Alors là au pied de la porte, le ventre de Marie, tout mûr et prêt à donner son fruit, son cadeau au monde, Marie, la femme qui a fait l’amour avec Dieu, avec la divinité, avec le mystère,
Marie, femme chérie, qui a accueilli le divin dans toute sa chair sublime, sacrée, mêlant son suc au souffle du ciel, le ventre de Marie pousse. Le ventre pousse. Le cadeau pousse, son bébé de chair et de Dieu veut sortir, veut arriver dans cette ville de l’origine, dans cette ville du tout début. Et dans l’endroit où l’on trouve l’espace pour naître, car nous aussi on renaît tous avec cette naissance miraculeuse, ce cadeau dans le secret de cette nuit étrange, victorieuse, flottante de brume; on renaît. La place trouvée, c’est dans les grands souffles d’animaux. C’est la grande douceur des bêtes, c’est dans l’innocence de ce regard qui ne juge pas, c’est dans cet amour sans conditions de l’animal qui regarde avec confiance, avec acceptation infinie de l’autre, ce tout petit corps nu, minuscule et vif comme un atome, ce petit bébé sous les regards moussus des animaux au début du monde. Les règnes enfin recousus, l’amour passant du végétal au minéral, des étoiles aux vivants animaux, tout un monde chantant l’arrivée de la vie. Une petite grange, une petite étable sous la lune scintillante, grande mère du ciel, douce, délicate. Elle veille. C’est pas en plein jour, c’est dans la nuit. C’est dans la douceur de la lune. Il y a la paille, du silence suspendu, c’est l’origine du monde avant la comptabilité des hôtels raffinés, pantoufles et peignoirs offerts, wifi et netflix, c’est l’endroit vierge de tout, c’est le retour à la naissance dans la nuit toute fraîche. C’est le grand souffle qui va réchauffer les êtres. Et Marie, notre Marie, femme de chair sur la terre, incarnée. Marie l’anagramme du mot aimer, va offrir dans ses contractions, dans sa jeunesse, dans sa douleur, dans le sang de son ventre, et de sa confiance, dans ce AHHH, il faut pousser pour que ça sorte de soi, avec les bergers pas loin qui veillent, elle va nous offrir un monde premier, un monde tout neuf, sans jugement, on va accueillir ce tout petit fragile, cette naissance, ce Dieu vivant qui sort d’un sexe de femme, ce premier lait qui va toucher ses lèvres, mais merci aux femmes de leur confiance à engendrer le monde à chaque naissance, Jésus, Dieu vivant, tout petit, petit nombril sanguinolent, petit corps emmailloté, tout neuf dans cette paille chaude, au creux des bêtes, de l’animal, du primordial, le jaillissement de sources d’espoir, sorti d’un ventre de femme, accompagné de son bâtisseur d’homme, époux du ciel, époux de la terre, sous les étoiles.
♫ Sometimes I feel like a mother less child. Sometimes I feel like a mother less child. A long way from home. A long way from my home. ♫
Aujourd’hui nous est né quelqu’un qui sauve, une eau nouvelle, ancienne. « Pendant que l’assoiffé cherche l’eau, l’eau aussi cherche l’assoiffé ». Rûmi
Venez, sortons de nos maisons, allons voir et honorer l’origine, blottissons contre notre sein ce tout petit, donnons lui notre plus beau lait, le lait bleu des étoiles, le lait bleu des naïades, le lait de l’espoir, notre suc ardent.
Bienvenue, bienvenue petit être, bienvenue miracle dans la vie, bienvenue dans la lumière, ayons confiance dans la nuit.

Estelle Meyer

Estelle Meyer est actrice et chanteuse, nomade au coeur de feu, éprise de liberté, à travers l’art et les rencontres, elle sème la fantaisie, la profondeur, et peut-être l’espoir…

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