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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 9

19/01/20
2e dimanche du Temps Ordinaire
Béatrice

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 49, 3.5-6
Psaume 39
1 Co 1, 1-3
Jn 1, 29-34
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Ce dimanche les textes nous rapportent le témoignage de deux prophètes qui parlent de leur mission. Isaïe et Jean-Baptiste. Qu’y a-t-il de commun entre Jean-Baptiste et Isaïe ? Certes ils ont tous les deux un message prophétique à apporter pour le salut de tous et toutes ; mais ce qui les rejoint ici c’est leur souci de dire que leur parole a comme origine une source autre qui n’est pas la leur propre. C’est un.e Autre qui parle en eux.
C’est ce qui justement différencie une parole d’autorité d’une parole autoritaire, une parole prophétique d’une parole doctrinaire, cléricaliste (et non cléricale) : c’est que celui qui porte la parole ne s’identifie pas à la source de cette parole, ne prétend pas en être la copie conforme, ne s’accapare pas ce pouvoir de la parole. Il s’en distingue en désignant cette source du discours comme différente de lui-même.
Isaïe affirme qu’il n’est pas l’origine de ses prophéties, qu’elles trouvent leur source dans les « entrailles » de sa mère… « Entrailles », terme vague qui peut désigner en français une partie de l’appareil digestif mais aussi tout ce qu’un lexique masculin et androcentrique se refuse à nommer : les ovaires, l’utérus, les trompes, le vagin… Aujourd’hui nous le savons bien, c’est précisément dans l’utérus d’une femme que Dieu.e a façonné le prophète Isaïe, comme c’est dans celui d’Élisabeth que fut conçu Jean-Baptiste et celui de Marie, Jésus. Nous avons les mots pour le dire. Pourquoi ne pas les employer ? D’où viendrait cette crainte de nommer l’organe qui façonne la vie ?
Apporter la parole de Dieu, c’est d’abord reconnaître qu’elle a été portée initialement par l’enfantement d’une femme qui a donné la vie, d’une mère sans laquelle la mission du prophète Isaïe, ni celle de Jean-Baptiste, ni celle de Jésus n’aurait pu advenir.
Cette reconnaissance de la source charnelle et féminine de la parole prophétique se retrouve plusieurs fois dans Isaïe, et on la retrouvera dans l’Évangile de Luc, dans cette surprenante rencontre de Marie et d’Élisabeth, mère de Jean-Baptiste. Première rencontre de Jean-Baptiste et de Jésus ; premier témoignage, d’une femme, Élisabeth, première à reconnaître « Seigneur », l’enfant que porte Marie. Il y a bien des similitudes voire des résonances avec notre évangile, qui est pour ainsi dire la seconde rencontre de Jésus et de Jean-Baptiste :
Qui vient ? Qui parle ? Qui entend ? Qui témoigne ? Dans les deux épisodes, c’est Marie qui visite Élisabeth, c’est Jésus qui vient vers Jean-Baptiste ; cependant Jésus comme Marie écoutent en silence : c’est Élisabeth qui témoigne que l’enfant que porte Marie est le Seigneur et c’est Jean-Baptiste qui témoigne que Jésus est l’Agneau de Dieu.
En le proclamant « Agneau de Dieu », Jean-Baptiste dit devant Jésus qui il est et ce qu’il aura à vivre : l’épreuve de la Crucifixion, de la Passion. C’est ce que Jésus entend. L ‘Agneau de Dieu, c’est aussi l’image utilisée par Isaïe pour parler de celui qui vient, le Serviteur souffrant. Et cette Révélation pour Jean-Baptiste (par deux fois il dit « je ne le connaissais pas ») cette révélation bouleverse l’ordre chronologique, l’ordre de son histoire : « Après moi vient un homme qui m’a devancé ». Le premier dans l’histoire est second dans l’ordre de la Révélation. L’ordre de la Révélation n’est décidément pas celui de la préséance de conventions…
Cette Révélation permet aussi à Jean-Baptiste de comprendre le sens et l’origine de sa mission, qui est de baptiser Jésus pour « sa manifestation en Israël ». Ainsi sa mission vient de celui qui l’a envoyé pour baptiser dans l’eau. Et Jean-Baptiste raconte ce qu’il a vu quand il a baptisé Jésus : l’Esprit descendre sur Jésus sous la forme d’une colombe. Jean-Baptiste baptisait dans l’eau. Désormais le baptême de Jésus c’est le baptême dans l’Esprit. Le baptême dans l’eau de Jean-Baptiste était un rite de purification, de lavement, pratique qui par sa répétition pouvait devenir obsessionnelle mais qui avec le baptême de Jésus s’en trouve renouvelée par l’Esprit Saint.
Quelle différence entre baptiser dans l’eau et baptiser dans l’Esprit Saint ? En quoi consiste ce renouvellement du rite ? Baptiser dans l’Esprit Saint, c’est précisément dépasser l’ordre de la matière, celle de l’eau, dépasser un ordre physicaliste pour accéder à l’ordre de l’Esprit du Christ. Ce n’est pas l’eau qui purifie, qui convertit le baptisé c’est l’Esprit Saint qui l’habite, qui demeure en lui. Esprit qui fait dire à Paul que baptisés en Christ, il n’y a plus « ni juif, ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme » (Galates 3, 27-28). Être baptisé dans l’Esprit c’est bien rejeter tout sexisme, toute exclusion sociale, tout racisme, toute forme d’abus de pouvoir, y compris sexuel. Sommes-nous toujours prêts à assumer et vivre ainsi selon l’Esprit Saint ?
Les rites renouvelés selon l’Esprit sont des rites inclusifs qui outrepassent les déterminations matérielles, physiques et historiques des humains.
N’est-ce pas aussi dans le cadre même de l’exercice du rite, le baptême, la messe, qu’il s’agit de pratiquer cette inclusion… ? Les rites sacramentels ne sont-ils pas à renouveler dans l’Esprit Saint ?
Quelle crédibilité une église se revendiquant du Christ, offre-t-elle quand elle interdit aux femmes de célébrer ces rites sous le prétexte qu’elles sont femmes ? Sommes-nous aujourd’hui prêt.e.s à reconnaître comme le fit Jean-Baptiste ce renouvellement du rite dans l’Esprit Saint, révélé pour tous par Dieu.e, révélé.e en Jésus-Christ crucifié et ressuscité ?

Béatrice

Catholique et féministe, Béatrice est enseignante-chercheuse en Sciences du Langage. A l’issue d’un « Cycle C » à l’Institut Catholique de Paris, elle s’est intéressée aux travaux de la théologienne féministe Elisabeth Schüssler Fiorenza. Béatrice souhaite participer à réactualiser le message émancipatoire de la Révélation de Dieue.e. Elle s’érige contre le fait qu’en se développant pendant une trentaine de siècles dans un contexte majoritairement patriarcal, ce message ait été instrumentalisé pour discriminer les femmes. Béatrice participe régulièrement à un groupe de femmes lectrices de la Bible.