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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

Episode 3

15/12/19
3e Dimanche de l’Avent
Anne Lécu

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 35, 1-6a.10
Psaume 145
Jc 5, 7-10
Mt 11, 2-11

Le texte de l’homélie

On appelle ce troisième dimanche de l’avent le dimanche Gaudete  : «  soyez joyeux  ». Les textes que nous allons lire et entendre sont des textes qui nous invitent à la joie. Or ce texte de l’évangile de Mathieu, chapitre 11, nous raconte une histoire qui ne semble à première vue pas très amusante, parce que Jean le Baptiste est en prison. Il a entendu parler des œuvres du Christ et finalement, il n’est pas très sûr de qui est Jésus puisqu’il demande «  es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre  ?  ».
Et Jésus va lui répondre un peu de biais puis qu’il va dire  : «  allez rapporter à Jean, aux disciples de Jean, ce que vous entendez.  » Et il précise avec une citation du livre d’Isaïe  : «  Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle et annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi  !  » C’est vraiment une bonne nouvelle en ce sens que, déjà, ce que Jésus raconte pour réconforter Jean, il le dit au présent. Cela veut dire qu’avec le Christ, c’est aujourd’hui que les aveugles voient, que les boiteux marchent etc.
C’est un peu surprenant parce que, quand on regarde bien, en fait, il répond à une inquiétude de Jean le Baptiste, qui est lui-même enfermé dans une prison. Et ce que je trouve tout à fait délicat de la part de Jésus, c’est que lorsqu’il reprend la citation du chapitre 61 du livre d’Isaïe, il omet délibérément «  les prisonniers sont libérés  ». Comme s’il essayait de ne pas imposer à Jean le Baptiste une phrase qui serait pour lui inaudible, à savoir que les prisonniers sont libérés alors que lui-même n’est pas libéré.
Il me semble que cela souligne d’abord la délicatesse de Jésus. Et puis cela nous dit quand même quelque chose d’assez étonnant, à savoir qu’y compris au cœur du doute et de l’inquiétude, il est possible d’entendre quelque chose de la royauté du christ (j’aime mieux dire royauté que royaume). Entendre quelque chose de la royauté du Christ qui, au présent, est capable de faire voir les aveugles, marcher les boiteux etc.
Alors comment cela se passe, pour que Jésus puisse dire cela au présent ? Nous sommes au chapitre onze, Jésus a déjà guéri quelques malades. Et quand jésus guérit, il ne guérit pas tous les aveugles, il ne guérit pas tous les sourds et il ne guérit pas tous les boiteux… C’est Jacques Ellul qui dit cela et c’est assez génial  : il suffit qu’il en guérisse un. Il suffit qu’il en guérisse un pour prendre sur lui ce que c’est que la malédiction de la maladie. Ce que c’est que la malédiction d’être aveugle ou celle d’être boiteux. Et ce faisant, parce qu’il prend sur lui ce que c’est la malédiction, il sépare la malédiction de la maladie. Cela ne veut pas dire que l’on ne sera pas malade demain, mais cela veut dire que la maladie n’est plus une malédiction, parce que le Christ a pris sur lui la malédiction. Et du coup, il dégage la maladie de la malédiction. Et c’est pour cela qu’il peut le dire au présent, que les boiteux  marchent, les aveuglent voient, les lépreux sont purifiés et les morts ressuscitent.
Il y’a ensuite tout un autre passage de ce même évangile, dans lequel Jésus va dire à ses amis qui est Jean pour lui, qui est ce baptiste enfermé. Il va leur préciser en disant «  qu’êtes-vous allés contempler au désert  ? Est-ce que c’est un roseau agité par le vent  ? Qui êtes-vous allé voir  ? Un homme vêtu de façon un peu délicate  ? Mais ceux qui portent des habits délicats se trouvent dans les demeures des rois… Alors qu’êtes-vous allés faire  ? Voir un prophète  ?  » Il insiste en disant oui, même plus qu’un prophète. Il va qualifier Jean de «  messager  » en citant à nouveau l’écriture  : «  voici que moi j’envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route devant toi  ». Et Jésus précise «  en vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste.
En fait, il qualifie Jean de messager, un ange, en quelque sorte. Et ce que je trouve assez sympa, c’est qu’au bout du compte, si chacun d’entre nous, nous nous mettons à la place de Jean qui prépare le chemin pour l’arrivée du Seigneur… Nous sommes à notre tour qualifiés de grands. Et peut-être avons-nous, en ce temps d’avent, à nous mettre à la place de Jean le Baptiste qui balaye devant les pas du Messie… Afin que cela soit bien vrai que, lorsque Jésus arrive, les aveugles voient, les boiteux marchent et les lépreux soient purifiés. Et si nous sommes nous-mêmes des boiteux, des aveugles des lépreux, des sourds, des morts – ce que sans doute nous sommes aussi –la bonne nouvelle nous est annoncée à nous, d’abord. C’est une bonne nouvelle en ce sens que Jésus insiste  : «  heureux celui qui ne trébuche pas à cause de moi.  »
Alors comment faire pour être atteints par cette bonne nouvelle  ? Peut-être qu’il faut juste être devant lui, tel que nous sommes, sans crainte de ces maladies qui ne sont plus des malédictions, sans crainte de ces vulnérabilités… C’est précisément aux plus vulnérables qu’il annonce  : «  heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi.  »

Anne Lécu

Anne Lécu est religieuse, dominicaine de la Présentation. Elle est également médecin dans une prison d’Île-de-France depuis 1997. Elle a soutenu, en 2010, à l’université de Paris-Est, une thèse de philosophie pratique sur les soins en prison.